Magazine Culture
Winterbottom est un cinéaste éclectique dont l’oeuvre n’a qu’un seul fil rouge: soulever des questions sur la complexité et/ou la méchanceté de l’âme humaine. Un seul moyen toujours : choquer. Que ce soit au cœur d’un drame bouleversant sur le deuil (Genova) que caméra au poing avec le presque docu Un cœur invaincu, Winterbottom rappelle l’homme à ses bassesses, à ses heures sombres, à ses zones d’ombres. Sa plongée dérangeante dans le cerveau d’un shérif psychopathe, meurtrier, manipulateur et sadomasochiste a de quoi mettre mal à l’aise tant il utilise la violence pour nourrir son propos. Pas de paupières fermées devant l’horreur, mais des plans séquences qui exposent la brutalité masculine à l’état pur, et, l’oppose à la faiblesse féminine. Ce ballet furieux et terrible, ce déferlement de coups et de sang à l’écran, en métaphore cruelle de l’acte d’aimer, est- dans le fond- plutôt maîtrisé, arborant l’atroce pour mieux tenter de dénouer les paradoxes des corps et des cœurs. Des pourquoi et des esquisses d’explications qui passent par l’insoutenable, et deux scènes chocs- nécessaires car expliquant à elles seules la sauvagerie que possède toute trahison, la dureté inhérente au choix de la confiance, le sadisme paradoxal qu’il y a- in fine- à s’abandonner soi, à l’autre. De l’horreur visuelle pour exprimer les souffrances invisibles, en quelque sorte. Plus en façade, pas grand-chose : un thriller barbare et atypique, qui provoque et perturbe, en se perdant parfois en longueurs, des numéros d’acteurs plutôt exagérés (la candeur excessive de Jessica Alba, le maniérisme d’Affleck), une mise en scène qui traîne la patte. Le cocktail, finalement, laisse un arrière goût amer au fond de la gorge, quelque chose de vain et poseur dans cette volonté de styliser l’ensemble et de s’écarter, inutilement, des sentiers cérébraux du propos de base.