Un léger parfum de régression

Publié le 20 août 2010 par Jbplantin

Cela flotte dans l'air depuis quelques temps et cela se confirme. Avec l'industrialisation et son fameux marché de masse, tout acheteur vise à payer le moins cher possible, tout en espérant obtenir la même qualité. Petit à petit on perçoit bien pourtant que la qualité n'est pas aussi bonne qu'elle pouvait l'être. Qui n'a pas pesté contre ce produit de marque dont les fils de boutons sautent à la première occasion, dont les ourlets ne tiennent pas, dont les cols de chemises ne passent pas le cap des 5 lessives sans être rapés ... ? Mais qui a pu faire croire aux gens que l'on pouvait acheter du foie gras à moins de 10 euros le kilo ? Cela me rappelle un bref séjour à Bali. L'enfer de la contre-copie où vous restez dubitatif devant les sculptures en bois que l'on vous propose pour un prix allant de 2 à 200 pour un même produit. Quel est le vrai ? Quel est le faux ? Qui abuse commercialement ? Est-ce que ça vaut légitimement 2 ? Est-ce que la valeur du 2 n'est pas proposée à 200, alors que ça vous inspire confiance puisque vous allez y mettre le prix ? 

Bien entendu, à cette industrialisation de masse s'additionnent d'autres facteurs qui tendent à mettre la pression sur les prix, avec la fausse promesse de maintenir la qualité. Le logiciel libre et son corollaire de l'économie du gratuit en est un, où en fait on mélange un peu tout entre l'économie marchande et l'économie de l'échange. Et il n'est pas bon que l'économie marchande soit en passe de mettre sous sa coulpe l'économie de l'échange (débat sur la Neutralté du Net). 

Il y a également la fameuse version beta, légitimée par la maxime du "good enough". Bien entendu, il est préférable de démarrer, même s'il reste quelques imperfections plutôt que d'attendre la solution parfaite qui ne sort jamais ou qui peut faire manquer le "time to market". Mais ce n'est parce qu'on décide de sortir avec quelques imperfections que l'on doit se dédouaner de viser l'excellence. L'exemple est anecdotique mais révélateur de cette situation. J'ai été ainsi très déçu de cette application Ipad (pas gratuite pourtant) qui propose une suite de plateaux de jeux (échecs, dames, go...) où strictement rien n'est développé en terme de contrôles de jeu. Vous avez sur un support électronique qui propose la même chose que dans la vie réelle sans aucune exploitation du potentiel électronique... C'est une régression. Aucun acteur informatique n'aurait osé produire un tel programme il y a à peine quelques mois. Aucun distributeur n'aurait mis en vente un tel type de produit - alors qu'Apple analyse et valide la mise en ligne des applications proposées. Du reste, le régime de la vente à distance s'applique-t-il dans ce cas : remboursement d'un produit non conforme, retour, échnage, droit de rétractation ... ? Certes, c'est un autre sujet, à moins de se poser la question en ce qui concerne la régression pour la protection du consommateur. 

Quelle est la valeur du service dans tout cela ? Quelle est la valeur d'une offre de services ? Comment faire la distinction entre l'offreur de services en mode Hard Discount et l'artisan ? Comment faire comprendre que l'on est un artisan et qu'il ne sert à rien d'être comparé ou mis en concurrence avec un grand distributeur ? Peut-on légitimement tomber du côté obscur en proposant une offre qui n'est pas à la hauteur sous prétexte de "googd enough" et de logique de marché de masse qui tend à faire disparaître la valeur ?

Il flotte dans l'air comme un léger parfum de régression...