(Source : Courrier International) La France a peur, assure, non sans exagération, le quotidien émirien Al-Khaleej. Nicolas Sarkozy peut dès lors multiplier les mesures sécuritaires et travailler, ce faisant, à sa réélection à la présidentielle de 2012.
Les Français et les touristes ont d'innombrables histoires à raconter sur la délinquance. Chacun en a toujours une ou plusieurs en tête, au point de finir par convaincre le visiteur que le pays souffre d'un énorme problème. Ils parlent surtout de la petite délinquance, qui, devenue le métier de ceux qui n'ont pas de métier, déborde des quartiers pauvres pour arriver jusqu'au centre de la capitale. Et, à peine arrivé en France, le visiteur s'entend mettre en garde, dans les transports en commun, contre les pickpockets. L'annonce passe en boucle dans certaines stations de métro et finit par effrayer. Chacun se met alors à palper ses poches et à observer tout le monde avec suspicion. Généralement, les regards se tournent vers les jeunes d'origine arabe, africaine ou tsigane. Cela n'étonne plus personne de voir dans les couloirs du métro un touriste américain courir derrière un jeune d'origine africaine ou arabe qu'il a surpris à fouiller ses poches. Ou une vieille dame qui essaie de défendre sa carte de crédit contre un jeune qui a fondu sur elle comme un aigle, alors qu'elle voulait retirer de l'argent à un distributeur. Certains quartiers sont en train de devenir un vrai problème. Cela ne concerne pas seulement la question de l'ordre et de l'autorité de l'Etat, mais également la dégradation des services publics tels que l'école. En effet, des enseignants ont commencé à refuser d'y exercer leur métier à cause de la violence des élèves, certains étant armés jusqu'aux dents, et de la répétition d'agressions à l'arme blanche. De même, le rituel des voitures brûlées et des rodéos de voitures volées est devenu si courant que les forces de l'ordre semblent impuissantes.
Quant au président français, il a passé une bonne partie de son temps, début août, à se déplacer entre ces points de tensions permanentes. Il a annoncé des mesures qui ont provoqué de nombreuses réactions et polémiques, et a investi de nouveaux préfets, pour la plupart issus de la police alors que ce genre de poste était généralement attribué à des civils. Il a par exemple nommé Christian Lambert, ancien chef du RAID, en Seine-Saint-Denis, et Eric Le Douaron, autre policier de carrière, à la préfecture de l'Isère. Ce qui lui a valu des critiques acerbes de la part de l'opposition, qui lui reproche de jouer toujours la même carte sécuritaire à des fins électorales. Un climat sans précédent est en train de s'installer en France.
Certes, la criminalité ne cessera pas à la faveur d'un simple rendez-vous électoral et c'est toute la société qui est dans l'obligation de trouver des solutions durables. Mais, selon une conviction largement partagée, Nicolas Sarkozy ne laissera pas passer l'occasion d'exploiter l'insécurité en vue de la prochaine présidentielle, en 2012. D'autant qu'il n'a pas beaucoup de succès à faire valoir dans les domaines du chômage ou de la gestion de la crise économique mondiale. Il a donc annoncé le retrait de la nationalité française à toute personne d'origine étrangère qui aurait attenté à la vie d'un policier et une peine de prison de trente ans pour tous ceux qui commettraient un crime coûtant la vie à un membre des forces de l'ordre. Il a proposé ces mesures à l'occasion d'un discours tenu le 30 juillet à Grenoble, théâtre quelques jours plus tôt d'affrontements entre les forces de l'ordre et des groupes venant de quartiers où vivent des personnes d'origine étrangère, notamment algérienne.
Les attaques de Sarkozy ne se limitent pas aux délinquants. On a compris qu'il voulait reprendre l'initiative tous azimuts. Il a donc également évoqué les sans-papiers, qui sont plusieurs milliers en France, en martelant qu'une situation illégale ne pouvait être légalisée. Il est évident qu'avec le thème de la sécurité, il détient un atout précieux. Cela parle aux Français moyens qui considèrent qu'une partie de leurs problèmes provient des étrangers et lui permet de compenser son échec en politique économique. L'insécurité lui ouvre donc la voie à un nouveau mandat en 2012, qui, autrement, serait difficile à obtenir.