La Cour d’appel de Paris rappelle un principe majeur en matière de contentieux sur Internet : le succès d’une action judiciaire pour des faits de contrefaçon, commis sur ou via Internet, est subordonné à la preuve des actes dénoncés comme étant délictueux.
Deux sociétés viennent ainsi d’apprendre à leurs dépens que la préservation et la fiabilité des preuves apportées aux Tribunaux sont essentielles.
Ces sociétés, spécialisées dans la fabrication et la distribution de bijoux composées de pierres synthétiques précieuses et semi-précieuses, ont établi une relation commerciale avec une société éditrice d’une chaîne de téléachat et d’un site Internet, relais de ladite chaîne.
Dans le cadre de ces relations commerciales, cette dernière a ainsi vendu un certain nombre de ses bijoux en accompagnant son offre à la vente de la mention « La pierre du futur pour la femme d’aujourd’hui », marque déposée par le fabricant.
En 2005, les relations commerciales cessent. En 2007, les sociétés fabricantes et distributrices des bijoux assignent leur ex-partenaire commercial en contrefaçon de marque et concurrence déloyale, en prétendant que ce dernier aurait proposé à la vente sur son site Web des bijoux fabriqués par des concurrents sous la marque « La pierre du futur pour la femme d’aujourd’hui ».
Elles sont déboutées de l’ensemble de leurs demandes et la Cour d’appel de Paris confirme le jugement attaqué.
La Cour ne se prononce pas sur le fond puisqu’elle confirme le jugement en ce qu’il a débouté les sociétés appelantes de leurs demandes au motif qu’elles ne rapportaient pas la preuve des faits de contrefaçon et de concurrence déloyale invoquée.
Les preuves qui semblent avoir été produites aux débats étaient principalement au nombre de trois (3) :
- des copies écran des pages du site au contenu prétendu contrefaisant réparties sur 5 feuillets non datés,
- une impression écran des pages du site au contenu prétendu contrefaisant datée du 21 septembre 2007,
- un constat d’huissier dressé le 2 mars 2010 de recherches effectuées sur le site http://www.archive.org/.
Les juges écartent les deux première preuves au motif, soit qu’elles ne sont pas datées, soit qu’elles ne sont aucunement fiables de la date portée sur l’impression versée aux débats puisque celle-ci a été réalisée dans des conditions ignorées, sans l’intervention d’un huissier de justice ou d’un tiers assermenté, sans précision sur l’adresse IP, le matériel, le mode de navigation et le réseau utilisés et sans assurance que la mémoire cache et l’historique du disque dur avaient été préalablement vidés.
Concernant le constat dressé par voie d’huissier sur le site http://www.archive.org/, la Cour considère que le constat dressé en utilisant ce site est dépourvu de toute force probante quant au contenu prétendument contrefaisant en 2007, au motif que cet outil de recherche, bien connu des praticiens, n’est pas conçu pour une utilisation légale et que :
« l’absence de toute interférence dans le cheminement donnant accès aux pages incriminées n’est pas garantie ; pas plus qu’il n’est démontré de façon incontestable à quelle opération précise –affichage, modification, retrait, archivage ou autre – correspond la date mentionnée dans la référence de ce cheminement » (sic).
La leçon à tirer de cet arrêt est que la personne qui incrimine des faits ou des actes commis sur ou via le réseau Internet doit fixer la preuve du litige préalablement à toute action judiciaire, au risque de succomber. Il est donc primordial de faire appel à des huissiers ou bien encore à des agents assermentés, tels que ceux de l’Agence pour la Protection des Programmes pour que les preuves versées aux débats au soutien de son action soient considérées comme fiables et probantes par les Juges.
A bon entendeur…