Le Français a été modelé à l’image de son état : volontiers autoritaire, rigide et épris de sa propre exception.
Or, le monde est en mutation, en voie d’hybridation accélérée.
La tradition française est celle d’un « universalisme chauvin ». D’un pays qui voudrait imposer au monde son modèle, mais n’est pas en mesure de le faire (parce qu’il en a été empêché par les vicissitudes de l’Histoire). D’où, peut-être, outre une indéniable rancœur traduite par le sempiternel anti-américanisme, une certaine nostalgie (inavouable, bien sur, pour certains) de l’Empire colonial et une « indigénisation » plus ou moins larvée, plus ou moins consciente, des ressortissants de ses anciennes colonies vivant sur son sol.
La question (celle qu’on doit poser à l’Histoire) est peut-être celle de savoir dans quelle mesure De Gaulle a été un vecteur de modernisation pour son pays et dans quelle mesure, au contraire, il a agi comme un véritable frein à la modernisation de ce dernier.
De Gaulle a étendu une chape de conservatisme sur la France.
Il a exalté le nationalisme, le chauvinisme, le particularisme de cette dernière.
C’est en ce sens, me semble-t-il, qu’il a retardé son évolution.
Qu’aurait pu être la France sans toutes ces longues années de pouvoir gaullien ?
Peut-être eût-elle été moins stable…mais également moins rigide, moins figée dans sa ridicule culture oppositionnelle de l’ « exception », et donc plus ouverte aux influences externes, plus adaptable aux grandes mutations qui, dans la seconde moitié du XXe siècle, ont modifié l’ensemble du monde.
En France, tout ce qui prétend avoir un caractère d’élite est insupportablement méprisant. Comme si « élite » et « aristocratie » se confondaient toujours, universitaires, gens de lettre, intellectuels tendent à former des castes, des microcosmes plus fermés qu’une cellule de prison où, rassurés, ils évoluent en vase clos, sans « contamination ». Ne faut-il pas y voir, aussi, l’effet d’une grande « frilosité » ?
Toujours est-il que cet état de fait dessert la société, bien plus qu’il ne la sert car il contribue à la rigidifier. A cause de lui (entre autre), les exclus se sentent encore plus exclus, et les fossés, les « fractures sociales » se creusent.
En France, l’une des choses les plus difficiles à supporter est sans doute celle de vivre dans un pays démocrate aux « fixations » aristocratiques.
Le fameux orgueil français dont le grand Jean de la Fontaine disait déjà :
« Se croire un personnage est fort commun en France
On y fait l’homme d’importance.
C’est proprement le mal français.
La sotte vanité nous est particulière.
Les Espagnols sont vains, mais d’une autre manière… » !
Les Français, entre eux, passent déjà pas mal de temps à se toiser. Que dire, alors, de ce qu’ils réservent, souvent, aux ressortissants du Tiers-Monde qui, depuis le XVIe siècle, sont frappés du « stigmate » de l’ « altérité absolue » ?
Pour l’inconscient français qui a subi le formatage colonial (forcément sans même s’en rendre compte), être blanc, doté de traits et de manières européennes est une forme d’aristocratie, cela se décèle dans les menues réactions de Monsieur Tout le Monde, même chez les personnes les moins enclines à céder au racisme.
P.L