Depuis le 4 août, Nicolas Sarkozy est resté plutôt silencieux, tout occupé à se reposer et laisser son ministre de
l'intérieur parcourir les routes de France pour délivrer sa bonne parole sécuritaire. Ses rares communiqués et déclarations officielles furent de trois ordres : féliciter une multitude d'athlètes
français, exprimer sa solidarité avec la Russie et ses incendies et..., le 15 août, gronder le président de la Commission européenne coupable d'attentisme face à la catastrophe
pakistanaise.
Cette fois-là, Nicolas Sarkozy a perdu une belle occasion de se taire.
Donneur de leçons
José-Manuel Barroso n'a pas apprécié les remontrances de Nicolas Sarkozy: « Le drame du Pakistan nous touche tous ».
Entre deux séances de vélos au cap Nègre, le chef de Sarkofrance s'était permis d'écrire publiquement au président de la Commission européenne pour lui demander d'activer l'aide européenne au
Pakistan dévasté par des inondations hors normes voici 15 jours. Barroso a répliqué deux jours
après, le 15 août. Une réponse en trois points, trois tacles : primo, « la Commission a
été la première à réagir (le 30 juillet) et à augmenter (le 11 août) les fonds alloués au Pakistan »; deuxio, « Plus que la somme de 40 millions d'euros que vous avez relevée, mes
services ont travaillé d'arrache-pied afin de s'assurer que ces sommes puissent être dépensées sur le terrain le plus rapidement possible », pendant que Nicolas Sarkozy se dorait au Cap
Nègre et Bernard Kouchner était aux abonnés absents, et, tertio, Barroso explique : « J'apprécie vivement l'attention particulière que la France porte aux opérations humanitaires et je prends
note de votre intention de faciliter l'expédition de l'aide internationale. »
Il faut avouer que Nicolas Sarkozy a fait preuve d'un culot monstre. Depuis le mois de juillet, et le début des inondations,
il ne dit rien. Et quand il s'exprime, c'est pour sermonner l'Europe.
Opportuniste
L'appel du 15 août est clairement opportuniste. L'annonce sarkozyenne faisait suite à un appel du secrétaire
général de l'ONU à l'aide internationale. Or la France a été surprenante de discrétion en la matière. La chronologie des évènements est loin d'être favorable au président français.
Nicolas Sarkozy lui-même recevait le président pakistanais en pleine catastrophe, le 2 août dernier (une vieille connaissance du temps de la vente de 3
sous-marins par la France au Pakistan en 1994). Les inondations frappaient déjà le Pakistan depuis 6 jours, mais Sarkozy ne dit rien. Le 30 juillet, on parle de 400 morts. Le 2 août au matin (heure française), on avance le nombre de 1500 morts et
déjà 1,5 millions de réfugiés. Les Etats-Unis promettent 10 millions de dollars, l'envoi d'hélicoptères, de bateaux et de matériel de secours. La Chine promet 1,5 million de dollars. La
Commission européenne avait déjà débloqué 30 millions d'euros.
Le président Zardari fut d'ailleurs sévèrement critiqué d'être absent des lieux du drame. Or, à cette date, pas un mot, pas une remarque
ne fut entendu de la part de l'Elysée à propos de la catastrophe.
Mardi 3 août, le Quai d'Orsay fait savoir, lors d'un point presse, que la France « s'associe pleinement » à l'aide
européenne et qu'elle est disposée à examiner «toute demande qui lui serait directement adressée». Quel soutien !
Le
7 août, on comptait déjà 12 millions de sinistrés.
Dimanche dernier, Sarkozy a
fait donc savoir qu'il trouvait l'aide européenne, 40 millions d'euros, insuffisante.
Par comparaison, les Etats-Unis sont déjà très présents au Pakistan, conscients des avantages géopolitiques qu'ils peuvent
tirer dans ce pays. Le 13 août, ils annonçaient 76 millions de dollars
d'aide, portés ensuite à 97 millions, soit un tiers de l'aide internationale à date. Un porte-avion militaire est sur place. Le Fond d'urgence des Nations Unies a promis 26 M$, le Japon 4 M$,
l'Australie 32 M$, et le Canada 30 M$.
La France s'abriterait-elle, pour une fois, derrière l'Union européenne ? D'autres pays européens n'ont pas
attendu. Le Royaume Uni est le second contributeur international,
avec 42 millions de dollars ; le Danemark apporte 11 M$, l'Allemagne 20M$, et la Norvège 15M$.
Jeudi 19 août, Bernard
Kouchner publiait un communiqué célébrant la Journée mondiale de l'Humanitaire, évoquant au passage la catastrophe pakistanaise. Cruelle coïncidence !
Au final, la Sarkofrance apparaît ridicule dans cette affaire, aussi modeste que la faible ampleur de sa mobilisation
officielle. Mais cela n'empêche pas son président de crier, de sermonner, une fois de plus. Le seul véritable effort du président français fut d'engueuler publiquement le président Barroso
le 15 août dernier: « Je compte sur vous pour que l'Union européenne montre son unité et sa
détermination et entraîne avec elle la communauté internationale pour empêcher un désastre humanitaire ».
Cet homme ne manque vraiment pas d'air.
Sarkofrance