Hier, sur l’antenne de France Inter, le fondateur et président de Mediapart, Edwy Plenel, a qualifié Nicolas Sarkozy de "délinquant constitutionnel", lors d’un débat visionnable en vidéo ici. Il reprenait là le terme et les arguments développés dans son article du 11 août dernier, Sarkozy contre la République : un président hors la loi, dont voici un extrait significatif : "La diversion xénophobe organisée par le pouvoir pour tenter de faire oublier le feuilleton Bettencourt est un tournant du quinquennat : désormais, Nicolas Sarkozy est un président hors la loi. La fonction que le suffrage populaire lui a confiée en 2007 lui impose de veiller au respect d’une Constitution qui « assure l’égalité devant la loi de tous les citoyens sans distinction d’origine ». Par son discours de Grenoble visant les personnes « d’origine étrangère », il a donc violé la loi fondamentale et, par conséquent, manqué aux devoirs de sa charge. (...) Président de la République française depuis 2007, Nicolas Sarkozy occupe une fonction qui ne lui appartient pas. Il n’a pas été élu pour satisfaire son bon plaisir ou son libre arbitre, mais pour remplir un rôle constitutionnel dont il n’a pas le droit de s’écarter, sauf à renier son mandat. « La souveraineté nationale appartient au peuple », énonce l’article 3 de notre Constitution qui ajoute : « Aucune section du peuple ni aucun individu ne peut s’en attribuer l’exercice. » Quant à l’individu que l’expression d’un suffrage « universel, égal et secret » a placé à l’Elysée, sa marge de manœuvre est précisément définie par l’article 5 : « Le président de la République veille au respect de la Constitution. (...) » Il suffit donc de relire la loi fondamentale, sur laquelle repose notre Etat de droit, ou ce qui en reste, pour prendre la mesure de la rupture survenue le 30 juillet, à Grenoble, au détour du discours de Nicolas Sarkozy : la France a dorénavant pour président un délinquant constitutionnel, un président devenu hors la loi."
Réaction outragée de Dominique Paillé, porte-parole adjoint de l’UMP, dans un communiqué publié sur Facebook et aussitôt repris dans toute la presse : "La possession d’une carte de presse n’autorise pas toutes les outrances et ne justifie en rien de proférer des insultes pour salir les institutions du pays ou ses représentants élus. La recherche permanente de la publicité pour soi, la volonté d’être au centre de toutes les manipulations pour tenter de façonner l’opinion publique au mépris des règles élémentaires de l’information mais aussi de celles du respect humain, sont des comportements dévoyés qui ne mériteraient que mépris s’ils ne sapaient les fondements mêmes de notre pacte social et de nos valeurs institutionnelles. Monsieur Plenel, vos propos et votre comportement font mal à la France. C’est à l’évidence vous qui êtes un vrai délinquant du journalisme !" Faisons de la conclusion de cette saillie vengeresse notre Phrase du jour. Parce que l’hystérie qu’elle illustre est amusante à plus d’un titre. "Vos propos et votre comportement font mal à la France", croit bon d’accuser Paillé. Or, c’est très exactement ce que l’on est fondé de reprocher à... Sarkozy ! Est-ce la faute de Plenel si, commentant justement le discours de Grenoble, le New York Times titrait sur sa "xénophobie" et accusait le président d’ "alimenter des sentiments anti-immigrés dangereux" ? Est-ce la faute de Plenel si le vénérable Times britannique, pourtant loin d’être un brûlot gauchiste, estimait hier que "l’ignoble" - le mot est d’un député UMP ! - chasse aux Roms "rappelle les souvenirs de la Gestapo" ? Ce n’est pas Plenel mais bien Sarkozy, "à l’évidence" comme dit Paillé, la honte de la France ! Mais le porte-parole adjoint de l’UMP n’en est pas à une outrance près : c’est le même homme qui volait tout récemment au secours d’Eric Woerth, à nouveau pris la main dans le sac par Mediapart, coupable de fausse déclaration de revenus, dénonçant "une fois de plus l’acharnement abject dont Eric Woerth est la cible. Ce comportement est proprement scandaleux tant il repose sur des montages farfelus, fabriqués de toutes pièces et qui n’ont qu’un objectif abattre un ministre qui fait bien son travail. Outre l’atteinte évidente à la dignité d’un homme, le Mouvement populaire déplore l’abandon de toute forme de déontologie par ceux qui s’en rendent coupables et dont le seul but est d’assouvir des haines inexplicables". Or les prétendus "montages farfelus, fabriqués de toutes pièces" n’étaient ni plus ni moins que les documents officiels communiqués par le ministre lui-même à la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques !
Paillé vient donc de gravement diffamer Mediapart, comme les Lefebvre, Morano, Bertrand ou Estrosi, la belle brochette, l’avaient déjà fait avant lui, avec leurs délirantes accusations de "trotsko-fascisme". Quand, une fois encore, les journalistes du site n’avaient fait que leur devoir professionnel en révélant cette affaire Bettencourt, si embarrassante pour le pouvoir qu’elle pourrait conduire à constater l’illégitimité de l’élection de Sarkozy, pour illégalité du financement de sa campagne ! Incapable de démentir ses accusations, l’UMP préfère s’en prendre à la presse. Et Paillé se permet à présent de traiter Plenel de "vrai délinquant du journalisme" ? On touche là au sublime ! "Délinquant : personne qui a commis un délit", nous renseigne Larousse. Sûr que Paillé sait de quoi il parle : il a été condamné, nous apprend Bakchich, "le 26 mars 2004, par le tribunal correctionnel de Paris, à une peine de dix mois de prison avec sursis et 30 000 euros d’amende pour « abus de confiance ». Condamnation dont il n’a pas fait appel. Le brave député, ancien directeur d’hôpital, avait tout simplement tapé dans la caisse d’une association, Appel Europe, qu’il avait montée en 1996 notamment avec l’aide de labos pharmaceutiques. Il avait méthodiquement siphonné 40 000 euros pour ses voyages privés en compagnie d’une amie (Venise, Marrakech, Guadeloupe) et ses dépenses personnelles (meubles de décoration, séjours Relais et Châteaux, etc)." Qui peut le plus peut le moins : "Et Paillé, alors attaqué par un collaborateur, avait été également condamné par les prud’hommes, et n’avait pas fait appel", ajoute le même site dans un autre article. Bigre, un récidiviste ! Qu’un tel repris de justice traite un journaliste de délinquant est somme toute assez piquant.
Plume de presse