Des Etats Généraux pour les femmes
En novembre dernier, le magazine ELLE lançait les deuxièmes Etats Généraux de la femme afin de mettre à jour les revendications des Françaises et dont Simone Veil est la présidente d’honneur. Il y a quarante ans, lors de la première édition de ces Etats Généraux déjà initiés par le magazine, treize revendications avaient été définies, les principales étant : cesser d’opposer les sexes, reconnaître aux femmes la possibilité de s’épanouir librement, l’égalité des droits, des chances et des choix par rapport au monde du travail, autrement dit des questions toujours d’actualité. Des tables rondes réunissant des femmes de tous horizons sont actuellement organisées pour évoquer différents sujets. La synthèse des différents débats menés en partenariat avec l’Ifop sera diffusée au printemps prochain. Y seront abordés des sujets variés qui seront l’occasion d’évoquer de nouvelles tendances, de nouvelles questions soulevées par l’évolution des mœurs et de la société déjà abordées dans différents sondages. En avril 2008 par exemple, selon un sondage TNS Sofres 48% des Français se déclaraient favorables à l’adoption d’enfants par des couples homosexuels de femmes (contre 41% en avril 2006) et à la légalisation des mères porteuses. Plus récemment, en janvier 2009 dans un sondage Ipsos , 61 % des Français adhéraient à cette idée et 55 % déclaraient qu’ils auraient recours à une mère porteuse si cela devenait légal et qu’ils ne pouvaient pas avoir d’enfants. Une majorité (52%) considère même que ces femmes devraient être rémunérées. La femme dans son rapport au corps, les relations homme-femme dans le couple, le sujet des mères porteuses seront au cœur de la discussion au même titre que l’image et la représentation de la femme ou l’égalité professionnelle qui demeure un sujet « brûlant ».
L’égalité hommes-femmes dans les entreprises passe par les quotas
En mars 2006, le Gouvernement votait une loi relative à l’égalité salariale entre les femmes et les hommes. Quatre ans plus tard, le bilan est décevant comme l’indique les chiffres de l’Observatoire des inégalités1. En janvier 2009, les femmes gagnent 27 % de moins que les hommes. L’écart est de 19 % pour des temps complets et 10 % à poste et expérience équivalents. Bien qu’on ne puisse pas nier les « avancées » sur le sujet, l’Insee indique qu’en 2002, l’écart entre les salaires mensuels moyens des femmes et des hommes était de 25,3 %, soit à peine un point de moins que ce qu’il était en 1990, il n’en reste pas moins que le chemin est encore long. Deux ans après la mise en place de cette loi, les Français étaient lucides quant à son incidence dans la réalité : 58% considéraient que les inégalités de salaires pour un même travail entre les hommes et les femmes étaient restées stables et 16% partageaient même le sentiment que le fossé s’était encore creusé.
En dépit du travail restant sur la question des inégalités salariales, le Gouvernement s’attaque aujourd’hui à une autre inégalité dans le monde merveilleux de l’entreprise. Déposé à l’Assemblée nationale le 3 décembre 2009, le projet de loi relatif à la représentation équilibrée des femmes et des hommes au sein des conseils d’administration et de surveillance et à l’égalité professionnelle a été adopté le 20 janvier 2010 en première lecture par l’Assemblée nationale. Cette idée déjà présente dans le texte de 2006 mais finalement écartée à l’époque semble prendre tout son sens face à des données telles que celles-ci :
- seules 17 % des entreprises françaises sont dirigées par une femme ;
- le nombre de femmes présentes au Conseil d’administration des entreprises du Cac 40 stagne aux alentours de 10 % (précisément 10,5 % en 2009 contre 10,3 % en 2008)2 ;
- le taux de féminisation des Comités exécutifs de ces grandes entreprises était en moyenne de 7,3 % en 2009 ;
- les femmes représentent toujours moins d’un tiers des effectifs totaux et de l’encadrement.
En septembre dernier, l’institut Ipsos a révélé les résultats d’une grande enquête menée auprès de plus de 5400 étudiants de grandes écoles (ENA, HEC, Centrale Paris, Essec, les Mines, …) sur la question des pratiques destinées à favoriser la mixité des équipes dirigeantes ; une enquête dont les résultats appuient l’initiative du Gouvernement (55% approuvent ce projet, 44% chez les hommes contre 68% pour les femmes). Ainsi, à la question « Plus précisément, estimez-vous que le développement de la mixité hommes-femmes dans le management devrait être un objectif très, plutôt, plutôt pas ou pas du tout important pour une entreprise ou une administration ? », la réponse apportée par les étudiants de ces grandes écoles amenés à occuper les fonctions les plus hautes des grandes entreprises est claire : 86% le jugent important dont 34% « très important» (46% chez les femmes). En outre, consciente de la nécessité d’instaurer la parité dans l’accès aux postes de direction dans les grandes entreprises et dans les administrations, la jeune et future élite française semble lucide et pessimiste quant à la mise en œuvre de cette loi. En effet, plus de moitié des interviewés (52%) considère qu’il faudra attendre une vingtaine d’années pour que la parité soit une réalité au sein du « management » et du « top management » des entreprises et des administrations françaises et 25% que ça ne se fera pas avant 50 ans (29% au sein des femmes).
Autant dire qu’il faudra être patient(e) ! Toutefois, et sans entrer dans des considérations féministes exacerbées, n’est-on pas en droit d’être un peu navré de constater que c’est par la mise en place de quotas que l’équilibre entre hommes et femmes dans l’accès à des postes à hautes responsabilités pourra se faire ? La question est posée. Mais, aux vues des résultats de ce sondage CSA publié en décembre dernier dans lequel la majorité des salariés du privé citait « les préjugés et les stéréotypes sur le rôle et les capacités des femmes » (60% de citations) et « le fait que les femmes aient à gérer des responsabilités familiales » (53%) comme les deux principales barrières à l’évolution des carrières des femmes dans les entreprises, il apparaît que ces quotas sont peut-être finalement nécessaires… dans l’attente d’un changement profond des mentalités !