J'ai ainsi reçu récemment un excellent commentaire d'un lecteur que je transcris dans sa totalité, avant de lui répondre.
"Bonjour,
J'avoue ne pas bien saisir cet article. Vous présentez le train comme très couteux. Je vous répondrais oui, aujourd'hui à cause du non investissement dans les infrastructures depuis plus de 40
ans, il faut rattraper le retard. Or, si l'on fait du développement durable, il faut le voir à long terme. Pour prendre l'exple du mode tramway, celui-ci est plus économique que le bus en site
popre car son amortissement se fait sur 40 ans au lieu de 20 ans pour le BHNS et surtout que le tramway en devenant tram train permet d'aller chercher les zones périurbaines en passant en mode
train. Le maillage du territoire est donc plus efficace et pertinent en fréquence, vitesse et confort. Le BHNS peut toucher plus de population, a une desserte plus large, mais il sera toujours
limité en vitesse et fréquence et aura du mal à toucher le plus gros émetteur de Co2, le périurbain. Il faudra en plus refaire la voirie (faite à base de pétrole et donc quid de l'avenir)car le
passage d'un bus, c'est l'équivalent de celui de 100 000 voitures.Comment calculez-vous les coûts indirects?
En fait, je ne saisis pas cette volonté d'opposer le rail, la route et le reste. L'autopartage est une solution importante de l'avenir, mais elle ne peut être que complémentaire de modes lourds
et alternatifs, c'est une chaine de mobilité. Votre vision est à mon sens très binaire, restrictive, non?"
(Nota: BHNS signifie Bus à Haut Niveau de Service).
Avant d'aller plus loin, il faut préciser que, à l'échelle intermétropolitaine, c'est à dire à celle des grandes agglomérations européennes, le TGV me semble la solution à défendre face à l'avion, gros émetteur de CO2 et dont les coûts vont fortement augmenter dans les années à venir à cause de la croissance du prix du pétrole.
D'autre part, je pense qu'il faut prolonger, partout où elles existent, les lignes de tramway existantes vers les périphéries des grandes villes.
Ma critique du rail ne porte donc pas sur l'existence actuelle des réseaux ferrés mais plutôt sur le rôle qu'on espère leur faire jouer dans le futur. Le développement du rail ne constitue pas l'avenir du transport des personnes pour plusieurs raisons que je voudrais développer ici.
Première raison : le coût des infrastructures. Comme pour le réseau routier, l'installation de nouvelles lignes, de ponts, de tunnels, coûtent très chers. Or, on constate un invariant dans tous les pays développés : on investit deux fois plus dans les réseaux routiers que dans les réseaux de transports en commun. Cette prédominance du routier a une explication : dans nos sociétés démocratiques, le personnel politique, dans tous les partis, préfère investir dans le mode de déplacement majoritaire de ses électeurs. Espérer un retournement, à moyen terme, me semble illusoire. En attendant, l'investissement dans le transport routier individuel, multipliant les tunnels et les parkings en centre-ville, continue de creuser le différentiel entre une offre automobile confortable et une offre de transport en commun toujours insuffisante.
Deuxième raison : le rail, dans ses différentes modalités, se heurte au problème crucial de la rupture de charge. Le rail, par définition, suppose un déplacement linéaire sur un trajet qui n'est pas forcément celui de l'utilisateur. Celui-ci peut donc être amené à changer une, deux ou trois fois de lignes pour rejoindre son point d'arrivée, supportant à chaque fois des correspondances parfois longues.
On espère donc que l'accroissement de la densité des réseaux va régler le problème. Mais est-ce si sûr ? Le réseau de métro parisien, un des plus denses du monde, comptent une vingtaine de lignes. Ses utilisateurs savent pourtant que, s'y déplacer sur quelques kilomètres, nécessite parfois une heure de déplacement si le trajet n'est pas en phase avec le réseau. Autre exemple : la ville de Marseille compte deux lignes de métro et deux lignes de tramway pour ... 16 arrondissements et 100 villages! Il faudra donc attendre longtemps avant que le réseau soit capable de relier rapidement deux villages situés à la périphérie de la ville.
Troisième raison : le rail, dans ses modalités même, manque cruellement de souplesse. Pour des raisons d'organisation et d'infrastructure, les stations y sont, en général, fixes. Le tracé dépendant directement de la pose des rails, il n'est pas possible de détourner les trains en cas de problème (travaux par exemple). Un incident sur la ligne bloque souvent l'ensemble des trains de la ligne qui ne peuvent tout simplement pas "doubler" les trains qui les précèdent. Ces inconvénients exaspèrent des usagers, toujours plus exigeants et pressés, qui n'acceptent plus les retards ou les annulations de trains.
Ces inconvénients ont une explication simple : la technologie du rail est une technologie obsolète qui date du XIXéme siècle. Elle a constitué, à l'époque, un progrès important car elle permettait de se déplacer rapidement (40 km/heure!). Cet avantage comparatif n'existe plus. La modernité nouvelle du tramway s'explique plutôt par sa capacité à repousser la voiture devenue particulièrement envahissante que par ses performances.
Les besoins de déplacements de nos contemporains, en terme de rapidité et de souplesse, ne pourront pas être satisfaits par un réseau ferré même si il est dense et performant.
Pour y répondre, à l'avenir; il faudra un système global qui combine voies ferrés, mais aussi autolib', autobus rapides électriques, taxis collectifs, avec une gestion en temps réel, basée sur le téléphone mobile qui permette de consulter l'offre disponible.
Bref, quelque chose de complexe mais aussi d'efficace, quelque chose qui ne soit ni binaire ni restrictif.
Pour en savoir plus:
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