Un « rapport nucléaire » daté et étriqué

Publié le 19 août 2010 par Dornbusch

Ce blog qui suit de près les questions industrielles, énergétiques et nucléaires ne pouvait pas ne pas s’intéresser au « rapport Roussely » sur la filière nucléaire française (le lien précédent pointe vers le site de l’Elysée sur lequel le rapport est en ligne).

Pour être tout à fait exact je n’ai consulté que la version courte et publique, la version complète ayant été classée secret défense.

Disons le tout de suite, ce rapport est peu surprenant. On aurait d’ailleurs été surpris d’être surpris vu le choix, assez étrange, de son auteur. Francois Roussely est un homme tout à fait estimable, sa proximité avec les socialistes (Pierre Joxe en particulier sur l’influence duquel sur ma vie personnelle je reviendrai peut être un jour) est notoire, mais confier à un ancien patron d’EDF la rédaction d’un rapport sur la filière nucléaire française était pour le moins écrire sa conclusion avant même le début et s’assurer de l’innocuité de l’ensemble. Les conclusions sont donc celles qu’on pouvait attendre, EDF doit être l’acteur central du nucléaire français, à l’international comme en France, avec un lien capitalistique avec AREVA etc (les 15 principales recommandations sont reprises plus bas)

Mais ce qui m’a surtout marqué à la lecture de ce rapport c’est son « étroitesse mentale », c’est un rapport du passé, un rapport écrit depuis une France et surtout un Monde qui n’existe plus, ou les problèmes se réglent en franco-français, avec une omni présence de la puissance publique.

Commençons par le gag de service: quelle est la mesure N°1 proposée par le rapport: « Créer un Ministère de l’Energie ou un Secrétariat Général à l’Energie » ? On a déjà un gigantesque « ministère de l’Écologie, de l’Énergie, du Développement durable et de la Mer (MEEDDM) » qui ne compte pas moins d’un ministre et de 2 secrétaires d’Etat sur ces sujets plus un ministère de l’Industrie et un merveilleux « nouveau ministère à l’Energie » résoudrait par magie les problème (je note au passage que le rôle de « Secrétaire d’Etat à l’energie Nucléaire » était historiquement dévolu aux dirigeants du CEA, pauvre CEA qui, maillon historique du nucléaire français, n’apparait que comme un comparse subalterne dans le rapport). J’avais cru comprendre qu’on avait trop de ministres… Qu’importe c’est anedoctique.

Le fond est plus inquiétant. On est au XXIe siècle, la Chine vient de devenir la 2e puissance économique mondiale, l’Europe est notre frontière indépassable, les industries liées aux énergies solaires et éoliennes sont devenues des géantes mondiales, le « smart grid », le réseau électrique intelligent ou chacun produira et consommera sera notre quotidien dans 10 ans avec sans doute IBM et autres Google comme acteurs incontournables.. et que lit on: un rapport franco-français ou la question européenne est à peine évoquée, ou l’insertion du nucléaire dans le « Smart grid » de demain parmi une palette de nouvelles énergies n’est même pas imaginé, ou la seule question est de désigner le chef entre 2 entités franco françaises AREVA et EDF qui se chamaillent et de nommer un secrétaire d’État. On en pleurerait. C’est un rapport étriqué mentalement et daté culturellement. L’architecture industrielle de l’énergie de notre pays, de notre Europe mérite mieux.

David Dornbusch

Secrétaire de la section socialiste de Fontenay sous Bois – Blog d’actualité politique de la 6° circonscription du Val de Marne (Fontenay sous Bois, Vincennes, Saint Mandé)

LES 15 PRINCIPALES RECOMMANDATIONS
Des mesures structurelles
1. Créer un Ministère de l’Energie ou un Secrétariat Général à l’Energie, et regrouper le
pôle de compétences « nucléaire » de l’Etat au sein d’une direction dédiée.
2. Créer une société de services qui, en amont de l’offre, identifie les besoins des clients
et propose un schéma de réponse industrielle
3. Confirmer EDF dans son rôle d’architecte-ensemblier de « l’Equipe France ».
4. Etablir une charte fixant les conditions de travail applicables à tous les salariés du
nucléaire en France et rendre obligatoire l’agrément de toutes les entreprises amenées
à intervenir sur le nucléaire en France.
5. Diversifier l’offre française à l’international
6. Poursuivre l’optimisation de l’EPR à partir du retour d’expérience des quatre réacteurs
en construction et de l’acquis des réalisations antérieures. Cette optimisation devra
faire l’objet d’un développement mené en commun par EDF et AREVA.
7. Soutenir l’extension de fonctionnement des centrales à 60 ans, à sûreté constante.
8. Réexaminer et réaffirmer la mission de l’ASN telle qu’elle est définie dans la loi
Transparence et Sûreté Nucléaire du 13 juin 2006.
9. Confier à l’IRSN le rôle d’établir un corpus des dispositions de sûreté en vigueur en
France afin d’en assurer la diffusion et la promotion à l’international.
10. Demander à l’ANDRA d’associer de façon urgente EDF, AREVA et le CEA à la
définition optimisée et à la réalisation du projet de Centre de stockage en couche
géologique profonde (CSP).
11. Etablir un portail Web national du nucléaire.
12. Créer un Campus du nucléaire.
Des mesures d’urgence
13. Assurer, sous la responsabilité d’AREVA, l’achèvement du chantier d’Olkiluoto dans
les meilleures conditions.
14. Etablir un plan d’actions prioritaires, sous la responsabilité d’EDF, pour garantir la
construction de la centrale nucléaire Flamanville 3 dans les meilleures conditions de
coût et de délais.
15. Assurer un retour d’expérience des chantiers de construction d’Olkiluoto et
Flamanville 3 avant celui de Penly 3 et dans des délais compatibles avec le calendrier
des réalisations d’EPR au Royaume-Uni.