Poète et paysan de Jean-Louis Fournier

Par Mango
          J’ai bien aimé le dernier  récit de l’auteur sur ses deux fils et leurs courtes vies tragiques. Aimerai-je autant celui-ci qui évoque ses fiançailles avec la mère de ses deux enfants justement,  avec laquelle il s’est fâché à propos de ce  livre a succès :  Où on va papa ?          C’est ce que je me demande avant d’en commencer la lecture.           Poète et paysan , tel s’est voulu le narrateur le temps de ses fiançailles avec l’une des trois filles d’un fermier du Pas-de-Calais dans les années 70, quand l’idée  d’un retour idyllique à la campagne devenait à la mode.          Il préparait l’entrée à l’Institut des hautes études cinématographiques quand il est tombé amoureux. Il s’est donc tout naturellement retrouvé à travailler dans une grande exploitation d’une ferme du Nord, de deux cents hectares, les quatre enfants du fermier, eux,  tous étudiants à Paris,  ne voulant pas devenir paysans comme leurs ancêtres. 
     Naïf, je pensais que désormais, j’allais être heureux pour toujours.     Avant d’avoir repris mes esprits, j’avais décidé de reprendre la ferme de son père.     Quand on est amoureux, on devient un peu fou, et comme je l’étais déjà un peu avant, j’étais capable de tout.     Son père aurait été poissonnier, je reprenais la poissonnerie.          Il cherche à s’adapter : le tracteur, avec la radio sans cesse écoutée, les vaches et la chère génisse si placide, l’odeur aussi,  nauséabonde, celle du purin qui le suit partout…Et puis un jour,  la jolie fiancée veut rester à Paris… Plaqué et vexé, il  retoune chez sa mère  et ainsi de suite… une histoire de couple devenue  somme toute banale …jusqu’à la naissance des enfants.          Quand on revient de la campagne, on est bronzé et en forme. Moi je suis pâle comme une endive, maigre comme un haricot vert et sec à l’intérieur. J’ai perdu mon enthousiasme et ma fiancée. Mon curriculum vitae est toujours vide. Je rentre me faire consoler chez maman. Ce qui compte pour moi et qui me séduit chaque fois chez cet auteur,  c’est la façon de raconter avec lucidité et dérision son histoire, par petites phrases courtes, qui n’ont l’air de rien,  mais qui, lancées comme des flèches bien acérées,  frappent à tous les coups.C’est un style du genre efficace et drôle! Voici comment, dès le début il résume son histoire .Depuis que je suis à la ferme, j’ai l’impression de parcourir ma vieille grammaire Petitmangin. Dans le chapitre de la première déclinaison, je retrouve toute la famille, agricola le fermier, filia la fille, puellæ les jeunes filles, et  rosæ les roses. Il y en a beaucoup dans le jardin.Si tout va bien, je vais bientôt devenir dominus le maître, et j’épouserai filia agricolæ, la fille du fermier. Mais est-ce qu’on va arriver à s’entendre ? Est-ce que filia va s’entendre avec dominus, Filia appartient à la première déclinaison. Nous n’avons pas le même génitif. Le sien est en æ, le mien en i. Est-ce que ça ne risque pas de poser des problèmes ? Au début j’ai conjugué le verbe aimer, amare, au présent et à la première personne. Amo puellam agricolæ, j’aime la jeune fille du fermier. Puis à la forme passive : amor puella agricolæ, je suis aimé par la jeune fille du fermier, à l’indicatif qui indique qu’on est au présent.Puis,  rapidement,  je me suis posé des questions.Peut-être qu’un jour, je vais devoir me contenter du passé, amatus sum, j’ai été aimé? 
Poète et paysan de Jean-Louis Fournier(Stock, mai 2010, 155p)