C'est toujours recommençant qu'on découvre nos limites et qu'on améliore nos savoirs faire. Avec le temps le projet de notre Cie s'est affiné. Il a trouvé écho auprès de divers partenaires et si d'autres sont restés sourds à nos propositions nous étions bien trop occupés pour nous en rendre compte. Aujourd'hui entre nos propositions et leurs réalisations, il n'y a que peu de différences. Quand nous décrivons dans nos dossiers nos actions, que nous imaginons leur impact, c'est en « connaissance de terrain » que nous le faisons et nos mots ne trompent pas nos partenaires. Ecrivant cela je ne dis pas que d'autres le font, que d'autres trompent leurs partenaires ; je dis simplement que le temps nous a donné des outils et que nos actions ont suffisamment été confronté aux diverses temporalités de leurs réalisations et aux publics pour en connaitre leurs réels impacts. Néanmoins après les congés il faudra que nous nous interrogions sur le cadre dans lequel nous intervenons sur les territoires et nos modalités de réalisation.
Depuis que nous avons démarré, depuis 1998, avec La Cie Les Mille et une Vies, Théâtre de Marionnettes Itinérant nous avons fait le choix du développement culturel et d'une implantation territoriale forte. La mise en œuvre de certaines des actions que nous menons, imaginées en concertation avec des partenaires publics nous empêche de nous consacrer à de la diffusion plus traditionnelle (et plus rentable pour une structure telle que la nôtre) et nécessite donc que nous soyons aidés par les collectivités territoriales à hauteur des besoins qu’engendrent ces projets de développement culturel. Aujourd'hui, alors que le bilan des actions démontre clairement qu’elles sont le type de réponse à apporter aux territoires ruraux et aux publics éloignés des réseaux de diffusion culturelle, nos indicateurs sont au rouge. Aujourd’hui nous constatons que certains de nos partenaires ne nous aident pas comme ils le devraient et si nous constatons que les actions de développement culturel répondent à de véritables besoins, elles ne sont néanmoins pas financées à hauteur de leur réalité. Et le complément, nous le mettons de notre poche et de notre vie. Parce que lorsque nous avons des moyens inférieurs à nos besoins, les quelques personnes qui composent notre équipe doivent en faire plus, toujours plus... Je ne crois pas, je ne crois plus, il faut que ça change…
Avant de partir en congé, j'ai passé quelques jours à écrire un courrier au Président de Région et à constituer un dossier de contestation. En effet, depuis quelques années nos dossiers de demande d’aide à la création se font retoquer, rejeter, laminer sans que nous ayons le sentiment qu'ils aient été examinés pour ce qu'ils contiennent et si d'autres services de la région soutiennent certaines de nos actions, pour ce qui concerne la création, nous nous retrouvons face à un mur... et recevons des réponses année après année identiques sauf pour la référence dossier, le titre du spectacle et la date de commission. Dans notre secteur, le spectacle vivant, notre cas n'est pas isolé. Les collectivités se cachent derrière le prétexte de l'inconnu, de la jeunesse, pour ne pas financer des projets qui répondent à leurs appels à projets et aux critères qu'elles ont définis. Au final cela donne le sentiment que leur problématique n'est pas tant de financer des projets idéaux et répondant aux besoins d'un territoire mais plus de ne pas augmenter le nombre de bénéficiaires de leurs aides. Parce que derrière leur financement se cache une certaine automaticité qui nuit à l'étude qualitative des dossiers. Dans le financement du spectacle vivant comme dans les autres secteurs d'activité le rapport qu'entretiennent les collectivités territoriales et les porteurs de projets sont complexes et très peu transparents malgré les apparences.
Après la tournée, alors que le besoin de silence et de distance était là, après toutes les émotions fortes nées de la rencontre avec le public, après avoir vu la concrétisation de près de 6 mois de travail acharné (de contacts, de réunions, de visites, de rencontres de territoire, d’envois, d’appels, de relance, de refus, de report, d’intégration….), il était nécessaire que nous fermions les lumières pendant quelques semaines. A mon retour, la réponse que nous fera la Région (ou son absence de réponse), nous aidera à faire des choix et prendre le chemin qui sera le nôtre pour quelques années… C’est toujours recommençant qu’on améliore nos savoirs faire…
Fabrice Levy-Hadida – Cie Les Mille et une Vies – Théâtre de Marionnettes Itinérant