Vendredi 13 août, au journal de 20 heures de France 2, Marie Drucker accueillait ainsi Christine Lagarde : « Merci beaucoup d’être rentrée de Corse, où vous étiez encore ce matin, pour répondre à nos questions ce soir ». C’est ainsi que dans notre monde de com’ on écrit l’histoire. Il s’agissait de souligner le dévouement de notre ministre qui n’hésitait pas à interrompre ses vacances (en France, remarquez bien) pour accomplir sa tâche. Le problème, c’est que c’est malheureusement ainsi que nos ministres comprennent leur fonction, se ruer vers la boîte à images pour claironner la moindre bonne nouvelle, comme s’ils en étaient les seuls artisans. Aurait-elle agi avec la même promptitude s’il avait fallu participer à quelque réunion décisive pour la marche de notre économie ?
La vérité était vraisemblablement tout autre. Je suppose que c’est notre ministre qui s’est invitée sur cette gazette, suite à quelque injonction de Nicolas Sarkozy. Je n’ai bien sûr pas connaissance du message qu’il a adressé à notre ministre de l’économie et des finances mais il ne devait pas être très différent de ceci : « Bon, alors Christine, tant pis pour tes vacances, tu me fais le plaisir de filer en vitesse à Paris pour passer au 20 heures et tu fais bien reluire ce succès et ma politique ».
Celle-ci a fidèlement accompli cette mission. Cette croissance de 0,6% au deuxième trimestre, « c’est trois fois plus que le premier trimestre, c’est d’abord le résultat d’une politique économique conduite sous l’autorité du Président de la République [un léger temps d’arrêt] et du Premier Ministre ». Marie Drucker, pour une fois étonnamment pugnace, compare ce chiffre au 1% de croissance de la zone euro et au 2,2% enregistré en Allemagne. Après un très léger coup de chapeau à l’Allemagne, justifié par le fait que sa croissance nous profite, Madame Lagarde se livre alors à une démonstration ébouriffante : « L’Allemagne allait très mal en 2009, souvenez-vous. L’Allemagne a fait pratiquement -5% quand la France faisait -2,5%. Donc, elle a fait deux fois plus mal que nous et, dans ces circonstances-là, quand on est au fond de la piscine, on rebondit beaucoup fort »
C’est sans doute son passé de championne de natation synchronisée qui amène Christine Lagarde à cette métaphore mais elle ne constitue en rien une démonstration. J’en risquerai une autre, dans le monde du cyclisme : à la fin d’une étape dont l’arrivée se juge sur un sommet, un champion allemand se trouve à 500 mètres du sommet quand notre héros national n’en est qu’à 250 mètres. Dans un dernier effort, les deux coureurs accélèrent l’allure et, emportés par leur élan, s’arrêtent en même temps, après avoir largement dépassé la ligne. Le Français a parcouru 60 mètres de plus, l’Allemand 220. Duquel des deux convient-il de célébrer l’exploit ?