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Back to the sixties #1 : Far out !

Publié le 09 août 2010 par Luxyukiiste
Back to the sixties #1 : Far out !

L’impayable girouette que je suis n’en a pas fini de fureter d’un mouvement à l’autre, d’un univers à l’autre et d’une époque à l’autre : en même temps qu’Arte, je voyage dans le passé vers les sixties, le summer of love, les beatniks, les colliers de fleurs et le rock psychédélique. Tout a commencé quand je suis retombé sur Las Vegas Parano de Terry Gilliam à l’Institut Lumière : pas un film hippie à proprement parler, mais l’occasion de découvrir enfin la vie d’Hunter S. Thompson en piochant le bouquin et sa biographie tout juste sortie. Et, par cet intermédiaire, la free press, les drogues, et tous les idéaux portés par le mouvement des sixties : voyage, liberté, amour, musique, communauté et spiritualité. Voilà ce qui se passe quand l’époque est trop froide, et quand on ne se sent pas à sa place : on va chercher la chaleur ailleurs, dans un idéal de partage, de paix et de convivialité. Reste maintenant à voir si la vérité était vraiment si belle que cela.

Back to the sixties #1 : Far out !

Las Vegas Parano se concluait en partie sur ces mots, qui auraient pu être l’épitaphe d’une tombe des sixties :

Finie l’énergie qui alimentait les sixties. C’était ça le défaut dans la cuirasse du trip de Thimoty Leary. Il a rebondi à travers l’Amérique vendant l’expansion des consciences, sans même réfléchir aux réalités bien dégueulasses qui attendaient tous ceux qui l’avaient pris au sérieux. Tout ces tristes défoncés à l’acide qui croyaient s’offrir la paix et la compréhension à 3 dollars la dose.

Chez les hippies, les drogues hallucinogènes en particulier étaient vues comme un moyen de vivre et voir de nouvelles choses, d’emmener sa conscience vers des horizons inconnus, de voyager au plus profond de soi et d’explorer de nouvelles formes d’art. Dans son livre Oh, Hippie Days !, le journaliste et photographe français Alain Dister raconte ses rencontres avec les défoncés de l’époque, entre 1966 et 69, alors qu’il voyageait sans un sous à travers l’Amérique. A côté des plus joyeux encore à peu près sur terre, erraient parfois des vraies loques perdues dans leur addiction, qui se sont laissées bouffer par leur trip sans prendre garde aux limites de l’exercice. Car en embrassant pleinement l’Amérique psychédélique, le jeune Dister (25 ans) ne manquait pas d’en pointer aussi les mauvais côtés. Dans un de ces paragraphes construits sous forme d’adresse à ses camarades de voyage, il raconte :

Nous étions deux français perdus dans une Californie en plein délire… Deux français essayant de ne pas trop perdre leurs repères. Toi, surtout, toujours prêt à te moquer de ces choses sidérantes qui s’offraient à nos yeux le long des trottoirs du Haight. Tu ne comprenais pas très bien ce que je faisais dans ces communautés pleines de mômes braillards, de types camés, de nanas mal fringuées et de chiens pissant et chiant partout. Remarque, certains jours, moi non plus je ne comprenais plus tellement ce que je foutais là. Surtout que je regardais ça d’un oeil critique, en total désaccord avec ce manque d’hygiène, cette déconfiture.

Sans vrais logis fixe, ou pour pas plus long qu’un mois, Dister passe de piaule en piaule, s’arrête dans des communautés, où les règles de propreté n’étaient pas la préoccupation principale. Entre les animaux en liberté et l’amour libre sans protection, il y avait parfois de quoi rêver de draps blancs et d’une vraie bonne douche. De revenir dans un cadre sain. C’est ce qu’il trouve l’espace d’un moment en rencontrant Liza, hippie-chick contrariée fille d’une famille bourgeoise du sud de San Francisco : il reste un moment, se repose dans la piscine chauffée et baise avec elle dans son atelier, mais finalement, la vraie folie du mouvement finit par lui manquer. Preuve que malgré les problèmes, il y avait quand même quelque chose d’attirant à vivre ici, à surfer sur la vague, en direct.

Ce frigo plein, cette piscine, l’ennui qui se dégage de cette sécurité retrouvée… Je n’ai plus qu’une envie : filer vers le Haight, la rue crade, les appartements surpeuplés, la dope à portée de main, les filles, les filles, les filles, l’univers glauque, mais palpable. Réel.

Back to the sixties #1 : Far out !

La vie en communauté était aussi un des horizons à atteindre pour les hippies, car elles sont symboles de partage, d’échange, de création et s’opposent à l’individualisme et à la consommation. Parfois, elles se suffisaient à elles-mêmes, qu’il s’agisse d’agriculture, d’éducation ou d’élevage. Cette utopie appliquée a plus ou moins fonctionné, ce concept ouvrant toujours la porte à la fragilité humaine : ce n’est pas parce qu’on prêche l’amour qu’on évite les conflits. Aussi, parfois, les gens changent, tout simplement, et les communautés s’effritent. Le 18 Juillet, Arte diffusait deux documentaires sur le sujet, montrant les bons et mauvais côtés de l’expérience : le premier revenait sur l’île de Sarakiniko, qui avait accueilli 200 personnes désireuses de vivre autrement, à la fin des années 70. Le deuxième, moins drôle, présentait la communauté fondée par Otto Mühl, ancien actionniste viennois qui pètera les plombs d’années en années, transformant sa micro-société en laboratoire mégalo et égoïste, se réservant les mineures pour lui tout seul (l’enfoiré). Le rêve d’égalité des babas n’a pas empêché certains faussaires en manque de pouvoir de s’engouffrer dans la brèche pour asseoir leur soif de domination.

Cependant, la vie a cette époque avait aussi du bon. Pendant qu’il traîne au Haight-Ashbury, célèbre quartier de San Francisco blindé de hippies dans les sixties, Alain Dister voit des concerts, rencontre des filles, fait beaucoup l’amour, se fait héberger, nourrir, proposer du boulot… Alors qu’il se retrouve un jour à Los Angeles, il raconte :

C’est pas San Francisco ici. On ne trouve pas des gens à tous les coins de rue qui vous demandent en souriant si vous êtes sûr de pouvoir dormir quelque part, si des fois vous n’auriez pas besoin d’un coin de crashpad et d’un bol de riz complet. En échange de rien de plus que de passer un moment à capter votre vibration. Enfin, c’est ce qu’ils disent.

Mouvement anti-guerre, anti-autoritaire, anti-conservateur, anti-hiérarchique, anti-consumériste, anti-individualiste, la vague hippie a eu le mérite d’en faire un idéal appliqué plutôt que des idées en l’air professées dans des manuels. Et comme tout mouvement de jeunesse, il s’expose forcément à quelques ratés. Quand on traîne un peu dans les mouvements alternatifs, on a vite fait de comprendre que le moindre dérapage sera utilisé et amplifié pour faire du tord, souvent de la part de politiques et de médias conservateurs. Un suicidé fan de Marilyn Manson ? Haro sur le métal ! Une baston à la sortie d’un concert ? Haro sur le rap ! Une overdose en rave ? Haro sur la techno ! Certes, il ne s’agit pas d’amoindrir certains évènements tragiques, mais d’en critiquer la récupération, qui, comme le disait un collègue bloggeur ici-même, appuie sur le symptôme plutôt que sur la cause. Quelle qu’ait été sa véritable influence, le mouvement hippie a fait vibrer des utopies qui paraissent actuellement plus que nécessaires. D’ailleurs, le mouvement altermondialiste, et le rassemblement au Larzac en 2003, ne montraient-ils pas l’existence d’un désir de retour à ces valeurs ? De nos jours, le mouvement de la décroissance rappelle le souhait du retour à la nature, même si certains de ceux qui s’en réclament lui donnent une image bien trop conservatrice et caricaturale. La surconsommation, la technologie omniprésente, les mégalopoles surpeuplées, tout concourt à susciter avec urgence le besoin de se confronter à l’autre, de sortir du virtuel, de vivre pleinement sa vie plutôt que de la perdre à la gagner. Et ce, encore plus qu’il y a 50 ans, car ce qui faisait déjà peur aux hippies s’est développé puissance 1000 entretemps.

Back to the sixties #1 : Far out !

Et à part ça, pourquoi cet intérêt ? Eh bien, sûrement parce que je n’aime pas faire comme tout le monde et qu’évoluer dans un milieu qui se moque des hippies me les rend encore plus sympathiques. Même si je me balade entre les gothiques et les métalleux, je n’ai jamais adhéré au côté misanthrope de certains, et je suis toujours resté pacifiste et lucide pour ne pas me faire emporter dans la détestation du monde, que j’ai toujours trouvé être une facilité. Comme je me moque des commentaires (sauf des vôtres sous mes articles), je suis mon propre chemin sans faire gaffe au reste.

Et aussi, j’ai découvert un groupe fabuleux, Jefferson Airplane, largement cité dans Las Vegas Parano en raison de la passion de Thompson pour leur album Surrealistic Pillow (1967). Dans le film, le docteur Gonzo, joué par Benicio del Toro, complètement défoncé dans la baignoire de l’hôtel qu’il partage avec Raoul Duke (Johnny Depp), demande à celui-ci de mettre White Rabbit à fond sur leur lecteur cassette. Dans une autre scène, Duke déambule dans un club de l’époque au son de Somebody to love, scène où Thompson se trouve d’ailleurs en figurant. Ni une ni deux, j’écoute l’album en question, excellent disque de rock psychédélique, qui donne une pêche énorme et vous met à plat en même temps avec des chansons furieusement mélancoliques comme Today. Une découverte heureuse qui vaut bien plus de points que les musiques engagées actuelles dont s’encombrent les neo-hippies lycéens. Revenons à la base bon sang ! Ca avait de la gueule, à l’époque, et il y avait Grace Slick, et Grace Slick, c’est la classe, l’amour, la sensualité, tout ça à la fois en plus d’une voix géniale. A l’époque, Jefferson Airplane a participé aux trois festivals majeurs de l’ère psychédélique : Woodstock, Monterey et Altamont, ainsi qu’au happening Human-Be-In au Haight, qui a lancé le fameux Summer of love.

If you’re going to San Francisco,
be sure to wear some flowers in your hair…
If you’re going to San Francisco,
You’re gonna meet some gentle people there.
(The Mamas & the Papas)

Et puis, il y a une espèce d’ennui et de décalage, palpable dans certains articles, que j’arrive à formuler aujourd’hui. L’impression, d’abord, que malgré l’altermondialisme, les grands mouvements se sont un peu éteints depuis la moitié de la décennie. L’impression aussi que les évolutions musicales, artistiques, liées pour la plupart à l’informatique, au téléchargement, ouvrent certes de nombreux horizons mais ne remplacent pas ce que c’est de ressentir la vibration dans la vraie vie. Quelle est cette envie, au fond ? Peut-être celle d’éprouver son corps, de vivre quelque chose de vrai, de partir à la rencontre des autres, sans méfiance ni préjugé, de faire quelque chose de sa jeunesse tant qu’on a encore de l’énergie et des idéaux. La compréhension mutuelle est certainement un rêve, de nombreuses choses restent à l’état de rêve tant que personne ne tente de les transformer en réalité. Et pour les tentatives qu’il a fait naître, le mouvement des sixties mérite une partie de mon admiration.

Back to the sixties #1 : Far out !

Voilà pour cette petite présentation, brouillonne et obscure, mais ce n’est pas grave. Plus tard, on parlera de la free press, d’Actuel, du film Hippie Hippie Shake, et certainement d’autres choses. Je n’ai pas fini de suivre les aventures d’Alain Dister, et d’autres bouquins m’attendent déjà au tournant. En attendant, n’oubliez pas, comme je l’ai déjà dit plus bas, c’est l’été, il fait chaud, profitez-en, souriez et aimez vous les uns (dans) les autres, tout ça, la vie est trop courte pour s’ennuyer !

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Et à part ça ? J’ai passé un jour au festival médiéval de Souvigny, dans l’Allier, évènement qui m’a enchanté, et qui était un très bon moment de convivialité comme j’en désire dans l’article. Il y avait des stands de créations diverses, d’armes, de forge, de nourriture, de jeux traditionnels… Des concerts, des banquets, des danses, des animations, des démonstrations, et des bénévoles motivés habillés en costume d’époque qui faisaient des crêpes du matin au soir ! Pour les plus motivés, on pouvait aussi dormir dans un campement de fortune, entre les outils et les peaux d’animaux. Après une semaine de festivités, mes camarades affichaient une certaine mélancolie de voir poindre la fin, mais ce n’est que le signe d’une édition réussie et d’un bon moment. Merci à vous pour cette joie de vivre et à l’année prochaine !


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