Horreur ! Même la Terre empile des dettes !

Publié le 18 août 2010 par H16

Magie du mois d’août, puissance phénoménale de la réflexion journalistique, écologisme de combat poussé dans les retranchements les plus obscurs d’une pensée féconde de n’importe quoi qui gazouille, à mi-chemin entre la pignouferie de combat et le fluffysme ultime, la presse nous relaie aujourd’hui une nouvelle effrayante : à partir du 21 août, la Terre va vivre à crédit.


Oui, vous avez bien lu, mais je vais reprendre le chapeau de l’article texto pour bien vous faire prendre conscience de toute l’horreur de la situation :

Les ressources naturelles de notre planète seront épuisées dès le 21 août. Au-delà de cette date, nous vivrons donc à crédit, selon l’ONG Global Footprint Network.

C’est dit.

Le 21 août, plus d’air, plus d’eau, plus de pétrole, plus rien.

A côté, l’Armageddon économique qui nous pend au nez depuis un moment, ou l’Armageddon politique que la France subit depuis 30 ans en tâche de fond, c’est de la rigolade, un parcours de santé, une plaisanterie de potache : le 21 août 2010, c’est le jour où la Terre va s’arrêter net d’exister. Pouf. Comme ça.

Et comme c’est une ONG éco-consciente qui le dit, non seulement c’est vrai, mais ça doit nous obliger à prendre du recul et à penser très sérieusement à notre place d’humain sur cette pauvre planète. Mais vite : il nous reste 72 heures avant le « pouf ! » final.

Au passage, on admirera le joli logo de l’ONG en question :

C’est une ONG qui ne fait pas dans la demi-mesure, puisqu’elle travaille à Faire Avancer la Science de la Durabilité. Tout de suite, un slogan pareil, ça vous pose une ONG dans le domaine du sérieux méticuleusement calculé. Ainsi, la Durabilité est une Science. Et on peut la faire avancer, notamment en expliquant à tout le monde que les ressources de la Terre commenceront à être surexploitées à partir du 21 août.

Plus exactement et pour reprendre le gloubiboulga du journaliste bien en peine de comprendre quelque chose au charabia indigeste de l’association de branquignoles à roulettes qui fait avancer son pipeau durable, à partir du 21 août, les humains auront épuisé les ressources naturelles pouvant être fournies cette année par la Terre.

Et à partir du 21 août, ils auront le choix :
- ne plus rien consommer du tout. Ce qui va poser des problèmes. Si si, je vous assure.
- consommer des ressources à crédit, ce qu’aucune espèce d’explication physique ou mathématique ne permet d’éclairer.

Par je ne sais quel espèce de bricolage insensé, on en arrive donc à dire que les Terriens, ces gros mammifères encombrants, qui rotent, qui pètent et qui polluent, vont brûler du pétrole qu’ils n’ont pas encore extrait, et manger des ressources qui ne sont pas encore produites.

Evidemment, ici, le « travail » grotesque du journaliste aura permis, de façon assez élégante, de fusiller définitivement le « travail » ridicule de l’ONG. Un peu comme les interférences destructives dans la théorie ondulatoire, on constate ici que les ondulations lancinantes de l’ONG visant à nous faire paniquer sur une dette de l’humanité sont annulées par les ondulations à contre-phase des journaleux qui transmettent n’importe comment une information déjà fortement suspecte de foutaisitude au départ.

Il va de soi que l’ONG n’a pondu qu’un de ces copieux calculs basés sur de l’air, manipulés à la grosse louche, entourés de conditions et de prérequis frisant le comique et aboutissant à des conclusions burlesques. Les folliculaires, s’emparant de la nouvelle, la prémâchent pour en obtenir un jus quintessenciel de conneries consternantes, comme d’habitude.

L’idée général de l’ONG est de prétendre pouvoir calculer le temps que met la biosphère terrestre dans son ensemble à reproduire la biomasse consommée par les terriens dans une période donnée. Chose amusante, le calcul de 2009 avait été trop optimiste sur cette capacité de la Terre à reproduire ses ressources, d’où un différentiel d’un mois – oui, 1/12 d’année – avec le résultat du calcul de cette année. On imagine la précision diabolique des calculs.

Immédiatement, des questions – qui n’effleureront pas les journalistes – viennent à l’esprit :

Pourquoi utiliser l’empreinte carbone pour ces calculs fumeux ? Cela fait un moment qu’on sait que le CO2 n’est pas un polluant et constitue même une véritable ressource. L’ONG serait-elle en retard d’un combat ?

Comment calculer les ressources initiales, sachant qu’on ne connaît pas tout de cette planète, loin s’en faut ? Ne connaissant pas même 1% des espèces vivantes, il paraît en effet pour le moins couillu de prétendre en connaître précisément les entrées-sorties. Par exemple, le caca humain (merdus vulgaris) est, malgré tout, un substrat pour pas mal de choses, qui vont, d’une façon ou d’une autre, permettre à d’autres choses de vivre ou survivre et aboutir, au final – oui c’est troporrible aussi mais c’est comme ça – dans une assiette humaine.

D’autre part, et même en imaginant que les données initiales sont connues (hypothèse hardie, on l’a vu), la conclusion qui aboutit à un déficit devrait être sujette à caution : d’où vient le manque à gagner ? D’une part, l’humanité n’a pas, discrètement et sur une autre planète, constitué un petit stock de denrées pour y puiser de temps en temps ce qui lui manquerait pour finir l’année. D’autre part, dès lors que des ressources manquent, leur consommation diminue : eh oui, quand il n’y a pas de pétrole, on n’en brûle pas.

Ce qui veut dire que toute idée de déficit écologique est, à proprement parler, absurde : au pire, l’humanité ne pourra pas se maintenir à 6 milliards d’êtres humains, voire disparaîtra doucement – ce qui est, au final, ce qui se passe pour toute espèce vivante à terme -, au mieux, elle pourra très bien vivre, et dans ce cas, pas de quoi en faire tout un foin.

Mais en tout cas, à aucun moment, elle ne constituera une dette envers d’hypothétique extra-terrestres qui viendraient nous fournir de la nourriture, des pilules énergétiques ou un stock conséquent de papier nécessaire à l’impression de tous les euros et les dollars que la crise économique va nous obliger à imprimer.

Ce mois d’août montre en tout cas la force cumulée des journalistes et des fluffies : à partir d’un calcul absurde, et d’une conclusion qui l’est tout autant, on aboutit à des articles consternant.