Réf DT 28: La belle-mère, le préservatif et l’Etat laïc

Publié le 18 août 2010 par 1132nd

Face à aux multiples incarnations du "mal", l'Etat s'interpose, en héros d'épopée.

Qui te dit que l’Etat Mauricien est laïc ?

C’est ce que m’avait dit un politicien, aujourd’hui ministre, lors de l’affaire Azaan. C’est vrai. Feuilleter la constitution de Maurice ne sert à rien : la République n’est pas officiellement un état laïc. Pourtant, une série d’événements m’a interpellé. Au point de faire fondre la glace qui a retenu cet espace dans un état d’hibernation pendant plusieurs mois déjà. D’abord, cette information circulée hier :

Mardi, 17 août 2010 : «Mes proches sont bouleversés». C’est ce qu’a déclaré à Radio Plus ce matin, Pamela Patten, directrice de la MBC radio, après qu’elle a été suspendue de ses fonctions hier. Cette décision fait suite à un incident survenu vendredi dernier lors d’une émission religieuse sur le ramadan. En fait, un autre item se serait glissé entre les deux parties de l’émission. Le directeur de la MBC, Dan Callikhan, était injoignable ce matin pour un commentaire sur cette suspension.

Le Défi

A priori, une suspension à la station nationale de télévision – la Mauritius Broadcasting Corporation – ne surprend plus. Dans une logique d’appareil idéologique d’Etat, le gouvernement a ses raisons que la raison ignore – ou presque. Actuellement coupé des autoroutes d’informations où trainent les journalistes d’habitude, j’ai laissé la curiosité me guider et, un clic menant à un autre, je suis tombé sur ce complément :

La Mauritius Broadcasting Corporation a diffusée un spot pour des préservatifs durant une émission consacrée au Ramadan. Question, comment une publicité pour des préservatifs s`est-elle  glissée dans cette émission ? La MBC, pour ses programmes radios, fonctionne avec un réalisateur et un technicien. Mais ce qui se passe a l`antenne tombe sous la responsabilité  d`un responsable des programmes ou un directeur des programmes. Or la MBC n`a pas de responsable d`antenne.

Le Vendredi (?)

L’hypersensibilité dont fait preuve la télévision nationale mauricienne – l’organe de communication incontestée du gouvernement – face à la chose religieuse (ou l’interprétation que l’on fait de la « culture » à Maurice) ne date pas d’hier et ne surprend plus. Toutefois, la tendance, loin d’être rassurante, mérite d’être soulignée car cet « affaire du préservatif halal (ou pas) » n’est pas un incident isolé.

Car il n’y a pas si longtemps, plusieurs personnes avaient remarqué que la série indienne culte – qui accompagne plus de 50% des abonnés de la MBC pendant leur dîner, ceux n’ayant pas les moyens de s’abonner aux bouquets satellites – Kyunki Saas Bhi Kabhi Bahu Thi, avait été remplacé par l’autre série indienne culte, Mahabharata – cette série datant du début des années 90 et racontant l’épopée du dieu hindou Krishna.

Mais voilà, il ressort que cette démarche de la station nationale de télévision émane d’un lobby exercé par certains groupes de pression hindous – Voice of Hindu et Kranti – qui s’élèvent contre le dénouement de cette série. Si la série Kyunki Saas Bhi Kabhi Bahu Thi connaissait autant de succès en Inde il y a quelques années, le manque d’imagination et les tournures invraisemblables ont fini par plonger les scénaristes dans des bassesses jugées « impardonnables » par l’audience indienne. Ainsi, la réalisatrice de la série Ekta Kapoor, s’est même retrouvée face à la justice, car certains « puristes » trouvaient que la série « bafouaient les valeurs ancestrales de la société indienne ».

Les « puristes » mauriciens emboîtent le pas aux « puristes » indiens : jusqu’ici tout va bien, la société mauricienne suit le cours de la logique sectaire. Toutefois, au fur et a mesure que les choses se dévoilent, quelque chose m’a frappé : ce lobby des groupes de pressions ethniques hindous s’inscrivent dans une logique particulière, le combat contre la conversion qui « sévirait » actuellement. Casser la séquence quotidienne de la série Kyunki Saas Bhi Kabhi Bahu Thi par la série retraçant l’épopée mythologique indienne est vu comme un moyen de ramener les hindous à leurs valeurs ancestrales par les groupes de pression hindous.

Mais doit-on vraiment s’en étonner ? Après tout, la République de Maurice n’est pas laïc – officiellement. L’Etat ne reconnait pas « le Mauricien », mais des entités distinctes, chacun suivant les « styles de vie » se rapportant à quatre catégories clairement définies. Finalement, quoique dise la population, l’Etat mauricien demeure constant avec sa politique sectaire « républicaine ». Peut-être la faute ici revient à cette tranche de la population qui se sent interpellée par ces événements. Ils vivent dans l’illusion d’une autre République de Maurice. Celle ou l’Etat est laïc et ne s’immice pas dans les considérations ethniques. Mais voilà, c’est une illusion.