Les écrivains créent parfois des inventions linguistiques pérennes. Ainsi en est-il de la belle image lisse et poétique des baladins,
ou de l’expression “gens du voyage” reprise par l’administration, au XXe siècle, au moment de ficher cette population. Comme l’explique très bien l’excellent site d’histoire, Hérodote, «Gens du voyage» est une expression triplement inappropriée :
1- elle n’a pas de singulier (un «voyageur» ?),
2- elle se réfère à une population dont la grande majorité est plus ou moins sédentarisée, y compris en France,
3- elle met dans le même sac des groupes sociaux qui n’ont rien à voir : forains, vagabonds, travailleurs saisonniers etc.
Un carnet anthropométrique a été établi dès 1912 à leur intention qui servira sous Vichy
et ne sera abrogé qu’en 1969, remplacé par une autorisation de transport. L’histoire des sinistres camps où ils furent internés a été complètement occultée. L’actualité fait à nouveau frémir…
Saltimbanques
A Louis Dumur.
Dans la plaine les baladins
S’éloignent au long des jardins
Devant l’huis des auberges grises
Par les villages sans églisesEt les enfants s’en vont devant
Les autres suivent en rêvant
Chaque arbre fruitier se résigne
Quand de très loin ils lui font signeIls ont des poids ronds ou carrés
Des tambours, des cerceaux dorés
L’ours et le singe animaux sages
Quêtent des sous sur leur passageGuillaume APOLLINAIRE, Alcools (1913)
© 1920 Éditions GallimardIllustrations: 1- Saltimbanques, de Gustave Doré
2- Le Maréchal Lapin, montage photo de Sylvain Cotte