Lire va devenir cher en Chine: la demande croissante en livres et la fermeture de nombreuses petites usines de production, trop polluantes, provoquent des pénuries de papier, des retards de livraison et une hausse des prix de toute la filière imprimerie. Ces problèmes pourraient s'étendre à l'industrie papetière du monde entier selon les spécialistes, notamment en raison de la forte demande en Asie.
Les prix de la matière première ont déjà augmenté de 10% en Chine depuis le début 2007, une hausse qui se répercute sur le produit fini, le livre. La version chinoise de "Harry Potter et les reliques de la mort", par exemple, est vendu 66 yuans (6 euros), plus de deux fois le prix des six volumes précédents. Cela n'a rien d'anodin dans un pays où le salaire moyen est souvent inférieur à 1 200 yuans par mois (120 euros). "C'est trop cher si vous voulez acheter toute la série, surtout pour un étudiant", déplore Li Jie, 21 ans, en feuilletant un exemplaire du livre dans une librairie de Pékin.
La Chine (où la fabrication du papier fut codifiée dès le IIe siècle) est un des grands acteurs mondiaux de la filière papeterie-imprimerie. Les exportations de papier, principalement vers les Etats-Unis, ont augmenté de 76% entre 2005 et 2006, selon les statistiques gouvernementales, et devraient augmenter dans une même proportion d'ici la fin de la décennie.
Comme dans d'autres secteurs industriels, les professionnels de l'édition, aux États-Unis ou en Europe, se tournent vers la Chine pour réduire leurs coûts de production, de jusqu'à 30%. Les représentants des imprimeurs chinois sont présents en force dans les salons et foires spécialisées à travers le monde. "La principale raison est le prix, l'autre est la qualité", dit Stephanie Chen, de la société Hengyuan Printing.
Mais pendant que la demande augmente, le gouvernement ferme les petites usines de production de pâte à papier, à la fois pour des raisons environnementales et économiques: il s'agit de regrouper une industrie encore très fragmentée. Plusieurs centaines de petites unités ont déjà fermé, et des centaines d'autres cesseront leurs activités d'ici 2010.
L'industrie papetière chinoise, contrairement à la pratique occidentale, n'utilisait pas jusqu'à récemment comme matière première la pulpe de bois, mais de la paille et autres sous-produits agricoles. Un procédé hautement polluant: selon la Fédération chinoise du papier, regroupant des professionnels du secteur, les papeteries ont été responsables en 2005 de 17% de la pollution industrielle des cours d'eaux du pays.
Ces fermetures vont encore accroître la demande en Chine et faire monter les prix du papier dans le monde entier, pronostique Sandy Lu, analyste du groupe papetier RISI à Shanghaï. La consommation de pulpe de bois, que la Chine doit importer en presque totalité, augmente, se répercutant sur toute la filière. Le manque de papier allonge de surcroît les délais de fabrication, ce qui accroît également les coûts.
Penguin UK, un des principaux éditeurs britanniques, fait fabriquer l'essentiel de sa production en Chine, ce qui lui a permis des réductions de coût de 20 à 50% depuis trois ans. Selon Liz Allen, directrice de la production, ces économies vont permettre à l'éditeur d'amortir les hausses des prix constatées dans le secteur. Les "pressions inflationnistes" ne vont pas constituer un "problème important", du moins dans un avenir immédiat.
La Presse Canadienne