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31 décembre 1968/1er janvier 1969
Casey & Sullivan étaient comme deux frères.
Ni les plus populaires de la petite école secondaire, ni les plus rejetés, ils avaient des amis chez les sportifs, chez les nerds, chez les gars comme chez les filles, dans des niveaux scolaires supérieurs au leur et chez les plus jeunes qu'eux.
En cette journée la plus froide de l'année, ils se retrouvaient toutefois seuls. Mais ensemble.
Le premier avait bu du sirop contre la toux pour se donner un effet grisant, l'autre avait fait un (plutôt)méchant mélange des alcools de son père qu'il gardait dans le sous-sol depuis peut-être un peu trop longtemps. Mais les deux n'avaient pas besoin de cela pour se sentir allumés. L'arrivée de la nouvelle année, l'idée que toute l'Amérique fêtait le passage du temps en même temps les rendait naturellement enclin à festoyer.
Toutefois dans la nuit de Apple Valley, Minnesota, outre le bruit du vent qui fouettait les joues, le petit village semblait tranquille.
Kellesimone, l'amoureuse de Casey, avait choisit de défoncer l'année dans sa famille, chez ses parents, 500 kilomètres ailleurs. Sa relation avec Casey était aussi brouillonne que les années adolescentes le sont de toute façon.
Et Joanne, l'amie de Sullivan, avait pour sa part choisie de tenter le grand coup dans la grande ville en tant que chanteuse de folk. Elle voulait se décrocher un contrat mais semblerait que c'est des contrats de danseuses nues qui lui étaient tombés entre les mains. Du moins c'était le rumeur qui courait à Apple Valley. La relation entre Sullivan et Joanne était sur la glace.
Et c'était un vent de glace qui justement soufflait sur les visages des deux adolescents qui marchaient, troubadours ivres, dans la nuit du 31 Décembre au premier Janvier.
"Si on se rendait à l'église?" lança Casey de nulle part.
"PFF! la religion j'en ai rien à cirer!" répliqua Sullivan.
Mais ceci ne les empêcha pas de tenter leur chance sur le perron.
"Il est passé minuit Case, on est en 69 depuis une heure elle est sûrement fermée cette église..." commença Sullivan quand Casey réussit à ouvrir la porte avec satisfaction.
Aussitôt dans l'église, le deux ados oublièrent qu'ils avaient conduits une voiture ivres dans la neige, dans la nuit, au travers de 1968 pour atterrir en 1969. Le sobre silence que contient une église les avait tous les deux enveloppé. Tout en se réchauffant, ils avancèrent avec une presque sobriété et ce même si ils avaient le pas hésitant tous les deux.
Puis le silence se brisa. Une guitare acoustique, un harmonica. Ça leur rappela vaguement Dana Hubbard. Les deux gars qui jouaient au fond ne chantaient pas mais ils offraient du blues à leur oreilles. L'harmoniciste était peut-être dans la trentaine, le guitariste aussi. Pas de curé nulle part.
En s'avancant légèrement dans l'allée comme deux mariés, Sullivan & Casey remarquèrent qu'il y avait une troisième personne, une fille au cheveux longs blonds, assise par terre qui attendait son tour pour jouer des tambourins. Peut-être la trentaine aussi. Les deux gars se ressemblaient, deux frères?
Quand les deux ados pactés se sont approchés des musiciens, elle les as tout de suite remarqué et a commencé à jouer des tambourins.
Ne manquait qu'une grosse toutoune et ils avaient The Mama's & the Papa's.
Les deux jeunes hommes, la pupille dilatée comme si ils étaient morts, sont restés cois et ont ingérer les sons qui leurs arrivait toutes ouïes. L'écho de l'église faisait vibrer les acoustiques et toute l'expérience se trouvait à pratiquement devenir un rite religieux.
"Tu crois en la religion?" demanda Sullivan à Casey?
"Oui" répondit Casey
"Vraiment? si il y avait vraiment un Dieu on ne se ferait pas tant chier certains soirs et dans certains pays en tout temps. Le Vietnam serait fini en tout cas" rappliqua Sullivan
"Je ne parle pas du barbu cloué au mur quand je parle de religion"
"Alors de quelle religion parle tu?"
"Celle qu'on entend, celle qui ne provoque pas de guerre"
Personne d'autre n'allait s'échanger un mot, pas même les musiciens entre eux.
Après une heure d'écoute et de jeu, Casey & Sullivan, tel deux fantômes ont touché leur casquette afin de marquer de leur respect le trio musical et on quitté tranquillement les lieux.
Ce jour de l'an 1968 allait être le plus harmonieux pour leurs oreilles.
Ils ne l'oublierait jamais.
Alcool & Musique, le cocktail parfait.