L'année des filles
Bien sûr, il y a eu la vague des reformations avec les
concerts-événements de Led Zeppelin, Police, Genesis et consorts.
Evidemment, Michel Polnareff a braqué sur lui les projecteurs à
l'échelle francophone avec son grand retour en scène. Evidemment, le
mythe Dylan a fait abondamment couler l'encre et connu encore une aura
artistique protéiforme. Bien sûr, les vieux roc du rock comme Bruce
Springsteen, Neil Young ou Robert Plant montrent toujours une solide
inspiration. Pas de doute non plus sur le fait que cette année
finissante a été inouïe en termes de créativité, de télescopages
sonores, de production phonographique alors que le marché comme
l'industrie discrographique continuent de connaître le purgatoire.
Pourtant, dans le rétroviseur 2007, par ailleurs marqué en termes de
diffusion musicale par la brèche ouverte sur la Toile par Radiohead,
c'est l'omniprésente inventivité féminine qu'on a envie de (re)garder
et de célébrer.
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Au même titre que dans d'autres domaines artistiques, la séduction des filles du rock a connu un pic
extraordinaire, revêtu quantité de visages formels. Avec des figures de
proue de la trempe d'Amy Winehouse qui, parmi les déglinguées-délurées
du rock, a tout emporté sur son passage. Un succès fulgurant et
fracassant pour la diva anglaise qui s'est construit sur une base soul
rétro, autant au rayon des ventes de son fédérateur deuxième album Back
to Black qu'à celui de la rubrique people. Mais avec ce supplément
d'âme dans l'écriture, la mélodie, l'attitude et les frasques qui
modèle l'étoffe d'une star.
D'autres figures rock ont porté haut ce flambeau de la provocation
en 2007. Pas forcément avec la même aisance impertinente que la voix de
braise de «Rehab», mais avec une langue tout aussi bien pendue, des
idées novatrices ou une grâce folle. De la venimeuse Kate Nash à la
ronde furie électrique Beth Ditto (Gossip), de la grâce charnelle de PJ
Harvey aux blessures éternelles de Joni Mitchell, de l'exploratrice
Björk à la céleste folkeuse Feist, de Cocorosie à Electrelane via Tori
Amos, Mary J. Blige, Micky Green, Scout Niblett, Alela Diane ou, en
France, Daphné, Pauline Croze, Constance Verluca, Yelle et Adrienne
Pauly, beaucoup de disques féminins ont ainsi séduit bien au-delà des
plastiques de leurs génitrices. Revers de la médaille ou corrolaire de ce salutaire appel et
courant d'air, un lot incalculable de filles chantantes ont monopolisé
l'attention pour de mauvaises raisons. Comme autant de coquilles vides,
de mascara sur des paupières lourdes. Probant dernier exemple en date:
ces Spice Girls réactivées dont le «girl power» prôné à l'époque a
paradoxalement et sans doute décomplexé la génération actuelle. Ou
encore, rien qu'en cette dernière saison froide, Kilye Minogue, Céline
Dion et Britney Spears. Artifices de luxure, de droiture, de
sentimentalisme et, surtout, de vide intergalactique, leurs répertoires
soigneusement mis en scéne ont joué l'exclusive carte de l'assistance
sonore artificielle pour produire un effet maximal.
Gare aux chausse-trappes d'une célébrité dévoyée donc, aux mirages
que suscitent certaines femmes-objets. Bénédiction heureuse, derrière
les ficelles de quelques marionnettes opportunistes se sont révélées
d'authentiques perles. Voix militantes, joyeuses, profondes, sensibles
ou graciles, celles qu'on aura contemplées ont refusé de mâcher leurs
mots, de masquer leurs réels états d'âme pour épouser des partitions
libertaires et parfois, comme Amy Winehouse ou Alela Diane, revisiter à
leur manière le sépia d'une période.