Depuis quelques temps, le monde du rock connaissait ses prix de tickets prohibitifs, son goût pour les places assises et parfois même numérotées, aujourd’hui les fans les plus friqués exigent d’occuper des places VIP pour assister au concert de leur idole. Il y a peu, le New York Times nous racontait l’histoire de fans qui pour 1750 dollars avaient droit, sur la tournée de Bon Jovi, à un siège au premier rang ainsi qu’une chaise pliante en métal noir dont le coussin était frappé d’un logo rouge et or aux armes du chanteur. Mieux, les répétitions du bébé chantant Justin Bieber sont à l’occasion facturées 350 dollars, pour 800 dollars Christina Aguilera pose pour une photo et pour 900 dollars on peut même dîner avec Les Eagles l’histoire ne disant pas si c’est au restau de l’Hôtel California.
Au terme de son excellent ouvrage « Culture d’en haut, culture d’en bas » sous-titré « l’émergence des hiérarchies culturelles aux Etats-Unis », Lawrence W. Levine, grand spécialiste de l’histoire culturelle, cite avec une certaine délectation Allan Bloom l’auteur à succès de « l’âme désarmée » un pensum réactionnaire qui, en son temps, s’en était pris à « la crise intellectuelle » qui, disait-il, minait le pays et à cette dégénérescence culturelle qui frappait en particulier la jeunesse. La musique classique, pratiquée par ceux qui avaient une bonne éducation, y était saluée, la musique rock symbole de la culture d’en bas, condamnée sans appel. D’ailleurs le réquisitoire de Bloom largement partagé par les élites faisait du rock une musique qui ne contenait « rien de noble, de sublime, de profond, de délicat, de savoureux ou même de décent ». Bloom assurait que la musique rock ne pouvait accueillir que ce qui était « changeant, grossier et immédiat », Bloom précisant que cela vérifiait…