Londres, Waterloo Station, 1er janvier 2006.
Fin de mon premier et court séjour sur les îles britanniques. Quelques Livres Sterling traînent encore dans mes poches, peu de temps avant de reprendre le train pour traverser la Manche. 10 exactement. En gare, un petit disquaire propose plein d’albums à 6 Livres l’un, 10 Livres les deux. Le choix est génial, pas de trucs tout pourris, genre on liquide tout ce qui ne se vend pas. Je finis par tomber sur Leftfield. Les deux, Leftism et Rhythm & Stealth. Je les prends directement. Je ne connaissais le groupe que depuis le clip d’ »Afrika shox ». Le nom de Leftfield était alors resté gravé dans un coin de ma mémoire, sans jamais qu’il ne refasse réellement surface. Il m’aura fallu aller en leurs terres pour qu’il rejaillisse. Enfin !
Arrivé en caisse, merde !, il ne me reste pas assez pour les acheter les deux, j’avais complètement oublié que j’avais acheté un sandwich ou à boire, bref, le dilemme. Je demande alors au caissier s’il connaît le groupe, s’il saurait me conseiller. Dans ma tête, à ce moment-là, je suis persuadé qu’il ne saura pas et que je devrais choisir à pile ou face. Je me trompe et, directement, il me montre Leftism, sans la moindre hésitation, en me disant « This one is the best ». Je les regarde à nouveau les deux, et me dis que je vais lui faire confiance. « Afrika shox » attendra.
Première écoute dans le train de cet album qui est sorti environ dix ans plus tôt, dans mon discman (oui, je n’avais pas encore de lecteur mp3). Ça commence doucement, je suis d’ailleurs déçu de ce que j’entends lors du morceau d’ouverture « Release the pressure », et je pense alors que ce n’est pas du tout ce à quoi je m’attendais.
Puis les titres s’enchaînent : « Afro-left » me réveille un peu. Bon, je ne me rappelle plus trop de cette première écoute de l’album. Mais des suivantes, une fois chez moi, sur ma chaîne, oui !
Donc, « Afro-left » : une tuerie, c’est énorme ! Le genre de morceau qui suffirait à faire de Leftism un album à posséder absolument. C’est un disque qui a tourné pendant plus de six mois pratiquement chaque jour, tellement il me mettait en transe. Je rappelle qu’il était sorti plus d’une décennie plus tôt : c’est dire la qualité de cette musique ! Car, même si l’on peut ici et là se rendre compte de la date de sortie de l’album, il n’a malgré tout pas pris une ride (certains morceaux ont même été faits en 92 ou 93 !).
Mais il ne faut pas croire qu’il s’agisse uniquement de taper fort, comme ça, juste pour faire du bruit ou donner l’envie de danser : dès le troisième titre, plutôt que de continuer sur leur lancée ou d’en rajouter une couche, le duo décide de carrément laisser retomber l’ambiance : « Melt » arrive, instrumental, reposant, planant. Ce n’est pas une parenthèse, c’est un nouvel endroit où vivre. Une nouvelle étape. Avant la suivante : « Song of life », sans parole, mais avec des chœurs : féminin ou masculin, chanté ou soupiré. Grandiose, la première partie du morceau semble ne jamais vraiment décoller, entre douceur et profondeur ; quatrième minute, le tempo s’accélère, le cœur s’emballe, ça tape dans tous les sens. Boum ! Sans jamais perdre de vue l’homogénéité de l’ensemble. Encore un morceau-clé de ce qu’est capable Leftfield.
« Original » nous re-pose encore une fois ; toujours pas de morceau moins intéressant que le précédent, mais Paul Daley et Neil Barnes joue sur les contrastes, tant au niveau musical que vocal. Ensuite, la furie de l’enchaînement de « Black flute » et « Space shanty » ; les deux seuls morceaux à ne pas être séparés ni par une pause, ni par un morceau plus lent ; et, au contraire, le premier annonce le second, nous prépare. Les rythmes africains ne sont jamais loin sur ce disque (cf les deux premiers titres). « Space shanty » est encore une compo énorme, avec une nappe très rétro et des rythmes endiablés, sans créer pour autant la moindre dichotomie.
« Inspection (Check one) » ne lâche rien mais est plus posé, avec son chanteur ragga. Avant « Storm 3000″, peut-être le titre le moins intéressant de tous ici. Puis,LE morceau du duo, « Open up », qui était sorti en single en 93 en collaboration avec le chanteur John Lydon et avait été un tube, obligeant en quelques sortes Leftfield à penser à une longue production, ce que sera ce premier album. Petit bémol : la fin du morceau a beau être très originale, elle coupe vraiment « Open up » en deux, peut-être de façon inutile, sauf si la voix de Lydon avait été effacée en cette fin de morceau, histoire de lui donner une conclusion instrumentale, ce qui aurait alors été plus que convainquant. Peu importe.
Oui, peu importe, car « 21st century poem », qui dépareille quelque peu de l’ensemble, termine magnifiquement Leftism sur un poème lu (donc, non chanté) et des nappes très éthérées. Une fin surprenante, tout en douceur mais non sans un message. Finalement, c’est une nouvelle claque que l’on prend après près d’une heure dix de musique.
Arrivé ici, je me rends compte que, encore une fois, parler d’albums qui ont tant compté pour vous n’est pas la chose la plus facile, et que c’est là qu’on tombe le plus bêtement du monde dans une présentation très linéaire. Mais le but reste atteint : partager.