Le passé se conjugue au présent

Publié le 17 août 2010 par Ruminances

Posté par lediazec le 17 août 2010

Ce matin, longeant la baie, contemplant la brume qui l'encerclait, l'image d'un ami aujourd'hui disparu s'est pointée à mon esprit. J'ai souris. L'amitié ne s'efface pas. Elle est la griffe du besoin. Elle est la brûlure et son remède. J'ai aimé cet instant pendant lequel il m'a accompagné au boulot. Les bateaux étaient figés comme dans une carte postale. Le reflet des bouées de corps mort tremblotaient à la surface de l'eau. Le beau temps s'annonçait doucement, tout était paisible.

Alain - ainsi se prénommait mon ami - aimait beaucoup cette partie de la côte. Lui, le citadin du treizième trouvait là de quoi se souvenir de son Vietnam natal et de la baie d'Along ! De son vivant, quand la prison lui laissait le loisir, il aimait à contempler ce coin de la côte bretonne. Un type bien, mon ami. J'ai honnêtement bossé avec lui pendant un temps et cela avait cimenté une relation durable que nous entretenions en jouant aux échecs et en buvant abondamment du planteur. Nous avions un faible pour le rhum 3 rivières. Avec ou sans additif. Sacré Alain ! Les parties de franche rigolades que nous tirions en jouant au tarot !

Il n'avait qu'une faiblesse cet homme, de père français et de mère vietnamienne, il aimait le jeu. Les chevaux de courses le faisaient jouir dans son futal, disait-il. Le jeu et les serrures, une autre passion. Dès qu'il en voyait une, de serrure, il fallait qu'il teste sa résistance, qu'il montre son savoir-faire. Une fois crochetée, il lui fallait récupérer chez le particulier, ce qu'il avait laissé comme argent sur la table de jeu ou dans les hippodromes. Et plus si possible. D'où une vie partagée entre sa cellule en Centrale et sa vie en plein-air.

La loi lui avait fait payer son addiction un prix très élevé. Mérité ? Peut-être, mais cher quand même.

Prenons monsieur Woerth, par exemple. Lui aussi souffre de ce mal compulsif qu'est l'addiction. Jugez-en : depuis 1987, il n'arrête pas d'être pris la main dans le sac. Mon pote c'était les serrures, lui c'est les coffres. Si vous lui posez la question, il jurera, la main sur le coeur, qu'il est innocent. Que jamais de la vie, il n'a cherché à outrepasser le cadre de la loi. Que tout ça, il le faisait de manière naturelle et pour le bien de tous, sinon du pays. Tout le portrait de mon pote !

Seulement voilà, à peine parti en vacances, avec son dossier retraites sous le bras, l'affaire Bettencourt en veilleuse, le voilà rattrapé par l'affaire sur la succession du sculpteur César. Entre temps, le discours hyper-musclé du gnome à Grenoble sur les Roms faisant diversion, tout le pays s'étant lancé dans des débats et contre-débats, monsieur Woerth pouvait enfin continuer à réfléchir à la meilleure façon de préparer sa rentrée sur les retraites.

Manque de bol, le voici rattrapé par une obscure affaire de prêt bancaire que le site Mediapart se fait un plaisir de porter à la connaissance du public.

Ne rions pas, c'est du sérieux.

Je résume : en 2008 pour sa campagne des municipales, monsieur Woerth, sollicite un emprunt de la banque pour couvrir ses frais de campagne. Il était à l'époque maire sortant de Chantilly. Il la jouait facile, assuré qu'il était d'un remboursement par l'État s'il dépassait les 5% de suffrages. Fastoche !

Là où l'affaire prend de la saveur, c'est quand la banque lui demande, comme à tout emprunteur moyen, l'état de sa situation financière. Non, pas ça, trop, c'est tropico !

Je cite : « selon le document reproduit par Mediapart, le ministre aurait déclaré un revenu de 3 000 euros mensuels. Pire : il déclare n'avoir que 112 euros par mois de revenu disponible une fois remboursés ses différents emprunts, soit un endettement de 89 %. Il omet par ailleurs de déclarer combien il paye d'impôts sur le revenu.»

Comment peut-on nommer cela ? Dans quel type de délit pouvons-nous enregistrer le fait de monsieur Woerth, voire son méfait ?

Pour ce genre d'asservissement à la cambriole, à moindre échelle, mon pote Alain, mon ami, celui avec qui je riais et qui parfois me faisait chier, mort suite à une chute alors qu'il peignait une souche de cheminée chez un client, parce qu'il voulait se « racheter » - il trouvait risible le mot rachat - est mort à l'âge de 47 ans. Pour cause d'addiction – et parce qu'il le méritait, selon la loi – il a passé douze ans de sa vie en prison.

Combien pour monsieur Woerth, messieurs les procureurs de la République de monsieur Sarkozy ?…