En Chine, l'important paquet de relance ainsi que l'expansion rapide du crédit ont maintenu en marche le moteur de la croissance, mais au détriment du secteur non étatique. L'allocation de crédit par l'intermédiaire des banques d'État a favorisé les entreprises publiques et les gouvernements locaux. Bien que les grandes banques ne sont pas en danger immédiat, des signes indiquent que le secteur bancaire est plus fragile que ce qu'il est communément admis.
Les politiciens locaux, sous la pression de développer les infrastructures, ont utilisé des plates-formes d'investissement pour contourner les restrictions sur les emprunts directs auprès des banques. Si de trop nombreux projets à risque sont entrepris, les prêts bancaires peuvent se gâter et des prêts défaillants pourraient pousser comme des champignons. Les décisions d'investissement sont encore fortement politisées et l'évaluation des risques est de faible qualité. Essayer de servir deux maîtres - le marché et l'État - est une affaire délicate. Les prêts aux gouvernements locaux représentent environ 20 % du crédit bancaire total, et 20 % de ces prêts sont désormais considérés comme défaillants.
Le crédit a connu une expansion de 34 % l'an dernier. Bien que l'octroi de nouveaux prêts bancaires a ralenti pour s'établir à environ 18 % cette année, l'utilisation des prêts hors bilan se répand. Dans un récent rapport, Fitch a noté que l'utilisation de la titrisation informelle conduit à une sous-estimation « généralisée de la croissance du crédit et du risque de crédit ». Ainsi, la croissance réelle des prêts pourrait avoir été sous-estimée de 28 % au premier semestre de cette année.
Les banques d'État travaillent désormais en étroite collaboration avec les sociétés de gestion de patrimoine financier à repackager les prêts pour les revendre comme des « produits de gestion de patrimoine », qui offrent un taux plus élevé d'intérêt que les dépôts bancaires. Ces produits sont livrés avec une garantie de sorte que leur demande est élevée, et l'offre répond à la demande. En mai, les banques, en liaison avec les sociétés de gestion de patrimoine financier, ont émis environ 615 milliards de yuans (704 milliards de dollars HK) de ces produits, soit presque autant que le montant des nouveaux prêts bancaires.
Sans la structure transparente de propriété privée des banques et des autres institutions financières, la Chine pourrait faire face à une recrudescence de prêts défaillants, alors que les prêts sont consentis aux collectivités locales et aux entreprises publiques pour des projets qui ne pourraient pas même flotter dans le monde de l'entreprise privée. Les distorsions vont s'accroître.
Si la Banque populaire de Chine ne ralentit pas suffisamment sa planche à billets, l'inflation, aujourd'hui de 3 +%, pourrait facilement augmenter, entraînant alors des contrôles des salaires et des prix, la perte de la liberté économique, et une hausse du chômage et de la pauvreté.
« Le nettoyage en cours des « véhicules d'investissement » du gouvernement local est essentiel pour contenir les risques budgétaires et les risques du secteur bancaire à moyen terme », explique l'économiste d'UBS Tao Wang. La Chine a besoin de davantage de liberté des capitaux et moins d'intervention étatique. Greffer la titrisation sur une économie socialiste de marché est la meilleure recette pour un désastre : l'effet de levier est augmenté et le risque est socialisé.
La Chine doit prendre des mesures pour permettre que des vrais marchés de capitaux se développent et que des fonds se dirigent vers le secteur privé sur une base commerciale. Les taux d'intérêt doivent être davantage libéralisés, et le compte de capital doit être encore ouvert. La récente levée des restrictions à la libre circulation de yuans à Hong Kong est un pas dans la bonne direction, comme l'est l'annonce que le taux de change sera plus flexible.
Hu Xiaolian, la vice-gouverneur de la POBC, au parler franc, a reconnu le risque d'inflation inhérent au système actuel de répression financière. Dans sa récente déclaration, publiée sur le site de la banque, elle a cité l'ouvrage de Milton Friedman « La liberté de choix », pour souligner que « l'inflation est une maladie qui, si elle n'est pas maîtrisée dans le temps, peut détruire la société ».
Pékin doit se pencher sur les idées qui ont marché et accélérer la transition vers un marché libre des capitaux. Le problème de l'aléa moral se pose lorsque l'État est trop gros et le marché trop petit.
Le processus de réforme de la Chine depuis la fin des années 1970 a transformé la société et élargi la gamme des choix qui s'offrent aux gens. Pourtant, la répression financière limite encore le choix des investissements et favorise les entreprises et les banques d'État. Le problème du « too big to fail » et l'aléa moral ne sont pas limités à l'Occident.
Article repris depuis Unmondelibre, avec l'aimable autorisation d'Emmanuel Martin. Image : quartier financier de Pekin, auteur 39degN, licence CC30