Décrire une peinture n'est pas chose facile, peu y arrivent, et rarement à réellement donner à voir l'œuvre. Plus difficile encore, suggérer au lecteur la création en cours de réalisation, tant de la toile en devenir depuis sa genèse jusqu'à son achèvement. Dominique FERNANDEZ y était, selon moi, parvenu dans son roman sur le CARAVAGE, La course à l'abîme, (Grasset 2003). BAUCHAU y arrive aussi dans ce roman aussi bref que tragique, et pourtant somptueux.
O bruit doux de la pluieLes deux premiers vers de ce poème seront le point de départ d'une vaste œuvre picturale qui intégrera le début et la fin d'un monde -- le déluge -- et qui donnera son titre au roman, mais dont le titre sera -- n'est-ce pas le nom de notre vie -- L'œuvre infinie.
Par terre et sur les toits
Pour un cœur qui s'ennuie
O le chant de la pluie
Florence, universitaire atteinte d'un cancer, sans doute en phase terminale, rencontre Florian, peintre que tous s'accordent à dire fou, il joue avec le feu -- aussi bien en réalité que métaphoriquement -- en proie à une peur originelle et incontrôlable. Florence, qui jusque là « a vécu la vie que sa mère avait voulu avoir » se découvre peintre, Florian l'amenant à faire cette découverte. Leur vie en sera changée.
Il me semble inutile -- et vain -- de résumer « l'histoire », et préfère insister sur la force de l'évocation et le souffle d'imagination qui se dégagent du roman. J'allais écrire « en dépit » d'une grande sobriété d'écriture, car on se serait volontiers attendu à des effets de plume; point : la phrase est brève, l'image est forte. Autre réussite du roman : le traitement du temps, celui des trois personnages principaux, ceux qui sont dans la création, se dilatant en parallèle de celui de la « réalité » : les autres personnages vieillissent normalement, les peintre sont comme en état de suspension temporelle. Même la maladie de Florence semble suspendue.
Quelle belle réussite, car c'est le lecteur qui voit le temps suspendu, invité à entrer dans celui de la littérature.