Le Pinko Marketing
Publié le 21 décembre 2007 par Christophe Da Silva
Tara Hunt est une jeune marketeuse créatrice de l’agence Citizen Agency, en collaboration avec Chris Messina. Célébrée dans le milieu de la publicité et des stratégies de marques comme « marketeuse 2.0 », son projet actuel, le pinko marketing, est un exemple de son style tout à fait novateur. Dotée d’une solide expérience, autant dans les grandes industries que dans les nouvelles technologies ou le non-lucratif, elle est l’héritière du Cluetrain Manifesto, ou manifeste des évidences.
Le Cluetrain Manifesto, essai écrit en 1999 par Rick Levine, Christopher Locke, Doc Searls, et David Weinberger est fondamental dans la genèse du marketing adapté au web 2.0 (cf. Annexe 2 : le ClueTrain Manifesto). La thèse développée par ses auteurs en 95 chapitres est que l’Internet, à la différence des autres médias ne doit pas être utilisé pour des campagnes de masse. Au contraire, les stratégies doivent privilégier les contacts humain / humain.
Les 95 chapitres se subdivisent en plusieurs parties bien distinctes permettant d’appréhender au mieux les évolutions du marketing. A l’origine, le commerce prenait place dans des places de marché, où la conversation était importante dans l’acte de consommation. Internet permet selon les auteurs de se réapproprier l’outil humain et donc de revenir aux sources du commerce. De plus les hypermédias permettent de s’affranchir des contraintes hiérarchiques habituelles, en reliant les informations entre elles sans obliger l’internaute à suivre un chemin préétabli. La connexion entre les nouveaux marchés et les compagnies est également en passe de changer radicalement. En effet, les NTIC, qui permettent d’améliorer la connexion marché /consommateur, créent également une meilleure communication à l’intérieur-même de l’espace de l’entreprise.
Les auteurs s’attachent ensuite à examiner l’impact que ces changements vont avoir sur les marques et comment celles-ci vont devoir évoluer pour que leurs marchés continuent à être rentables. Ainsi, avec l’émergence des achats virtuels, les entreprises vont devoir se réapproprier l’outil de communication avec le client potentiel. Dans cette optique, les stratégies de mass média ne peuvent plus être utilisées, mais doivent être personnalisées pour chaque client, ou catégories de client.
Le succès de cet ouvrage a été très peu important, étant peut être trop en avance sur son temps. Néanmoins 7 ans plus tard, il devient indispensable et est donc repris par Tara Hunt dans son nouveau projet, le pinko marketing.
Encore au stade de recherche, mais avec une communauté très active en France, le pinko marketing est une notion dont l’idée principale est que le consommateur va désormais choisir de la vie ou de la mort de produits. Dans ces conditions se dégagent déjà quelques avantages et inconvénients. Tout d’abord la grande force d’innovation des marques adoptant cette stratégie, un contact constant avec les utilisateurs et enfin le fait que les produits correspondent tout à fait aux attentes de utilisateurs, puisqu’ils en sont eux même les créateurs. L’exemple de Lafraise peut donc d’une certaine manière être attaché au pinko marketing, même s’il n’en embrasse pas tout à fait tous les tenants et aboutissants.
Malheureusement le pinko marketing possède également quelques inconvénients inhérents. Sa courbe de croissance est souvent lente, il est difficile pour une activité de démarrer, et peu de moyens de rémunérations lui sont associés, ce qui conduit à un principe du tout ou rien qui se retrouve souvent dans les entreprises web 2.0.
Afin d‘être totalement pinko, l’entrepreneur de demain doit satisfaire à un certain nombre de règles. Son activité doit tout d’abord être lancée sans aucun moyen extérieur, et le service doit être proposé gratuitement, afin de tester l’assentiment des utilisateurs. Si celui-ci est obtenu, il doit ensuite laisser grandir son activité, puis appliquer un business model rémunérateur du type de ceux énoncés plus haut.
De même que Tim O’Reilly pour le web 2.0, Tara Hunt a préféré énoncé un certain nombre de principes plutôt qu’une réelle définition pour exposer ses idées. Selon elle, l’idée directrice concerne la direction du message : en effet la plupart des stratégies de vente partent de consommateurs experts qui attirent petits à petits les amateurs. Là, au contraire, la nouvelle pyramide de l’influence sera dirigée d’abord vers un grand nombre d’amateurs, consommateurs gratuits, qui amèneront des experts, qui paieront pour un service professionnel.
Sa deuxième idée directrice est que le marketeur doit faire partie de la communauté où il désire vendre son produit et en être son meilleur avocat, tout en restant totalement authentique. Le pinko marketing est particulièrement adapté à la conquête des marchés de niches, qui sont friandes de produits personnalisés, non standardisés. Enfin, elle rejoint les idées du mouvement open source en prônant l’utilisation et la redistribution des processus de développement créés par les utilisateurs.
Tara Hunt applique ainsi les thèmes collaboratifs du web 2.0 au marketing ce qui rend sa démarche particulièrement intéressante. En effet selon elle, le pinko sonne le glas du directeur marketing, maître unique du message et du marché, mais ouvre la porte à la création, qu’elle soit professionnelle ou amateur. Le marketeur ne doit plus suivre un plan média gravé dans le marbre mais s’adapter en permanence aux évolutions du marché, celles-ci étant particulièrement rapides sur Internet.
A l’origine, les marketeurs utilisaient des stratégies de bases de données pour diffuser leur message à des clients potentiels sur Internet. Désormais les clients peuvent eux-mêmes êtres maîtres de l’information, ils peuvent s’abonner, lire, agréger des flux RSS, et sont particulièrement rétifs à toute forme de publicité intrusive (cf. Annexe 7 : Cartographies du marketing & Annexe 8 : Les différences de l’interaction client-vendeur).
« Vos consommateurs sont incroyablement brillants et remarquablement créatifs. Ils créeront un contenu génial qui valorisera mieux votre marque que vous ne pourriez le faire — si ce que vous faites est en quelque sorte bien. »
Le pinko marketer existe donc à travers sa communauté, chaque message de celle-ci doit être prise en compte, ce n’est plus le client qui est à l’écoute du vendeur, mais le vendeur qui doit revenir à l’écoute de son client, que son message soit positif ou négatif. L’aspect très intéressant du pinko marketing est son double discours. En effet, sous couvert d’open source, de collaboration, il réussit à occulter le fait qu’il est avant tout destiné au profit de l’entreprise et non pas à quelque avancée sociale ou communautaire.