Exposition - Le Chronographe - 2007

Publié le 14 décembre 2007 par Alex The Ghit

Du 07 au 09 décembre 2007 se tenait le salon des « belles montres », aussi appelé Salon International de l’Horlogerie de Prestige, ce qui, vous le reconnaîtrez, fait tout de suite plus sérieux.

Le salon se tenait au Carrousel du Louvre, dans une ambiance feutrée avec belles hôtesses à volonté et vigiles à tous les coins. Grâce à Forum à montres, j’ai en plus eu droit à une invitation, ce qui ne gâche rien à toute cette histoire.

J’écrirai bientôt un article sur une sélection de quatre montres insolites, mais en attendant, je vais reproduire ici le livret qui accompagnait la magnifique exposition sur les chronographes organisée par la Fondation de la Haute Horlogerie : « le chronographe, expression des temps modernes ». On pouvait y admirer plus de soixante-dix pièces mises en scène par Dominique Fléchon et provenant à la fois du patrimoine des marques exposant au Salon et des collections des principaux musées d’horlogerie suisses. Les montres le plus anciennes qui étaient présentées dataient de presque deux siècles !

Voici donc le contenu du livret sur cette superbe exposition. Vous aurez des photos de meilleure résolution si vous cliquez sur les vignettes.



SOMMAIRE

01 - Préface par Franco COLOGNI
02 - Le Chronographe naît sur un champ de courses
03 - Le Chronographe et l'art médical
04 - Le Chronographe compagnon de l'ingénieur
05 - Le Chronographe et l'art militaire
06 - Le Chronographe et l'envolée des sciences
07 - Le Chronographe et l'univers du sport
08 - Le Chronographe, code identitaire de l'homme moderne
09 - Des premiers Chronographes encreurs au chronoscope-bracelet
10 - Magie et mystère du Chronographe
11 - Utilisation des chronoscopes

01

Exposition

Le Chronographe

Expression des Temps Modernes

Dominique Fléchon

Historien et expert en Haute Horlogerie


Ingénieuse invention des temps modernes, le chronographe mesure les progrès de l’homme depuis presque deux siècles. L’étymologie du mot provient de l’association de deux racines grecques : chronos (le temps) et grapho (l’écriture). Ecrire le temps, c’est aussi retranscrire l’histoire du monde. Aboutissement de progrès horlogers fondamentaux et point de départ de nouvelles recherches, le chronographe, par l’abandon de l’enregistrement graphique du temps, deviendra au fil des décennies le chronoscope, d’abord de poche, bracelet ensuite. Paradoxalement, il conserve aujourd’hui son appellation de chronographe, non dénuée de symbole et poésie.

Né en 1822, pour évaluer les performances des chevaux de courses, il accompagne la révolution industrielle jusque dans l’organisation la plus extrême du travail. Compagnon de l’ingénieur mais aussi de l’astronome, du scientifique, du médecin, de l’artilleur et de l’explorateur, aucun domaine ne lui échappe pour exprimer l’instant présent. Avec l’engouement progressif pour le temps libre, il s’immisce dans toutes les disciplines sportives individuelles ou par équipe et devient l’un des codes identitaires de l’homme moderne. Si les ravages de la fuite du temps font peur, chacun veut voir la seconde qui passe inexorablement. Avec le chronographe, l’homme moderne, conquérant de la maîtrise de soi, de la vitesse et de la technique, croît maîtriser le temps en arrêtant et en faisant repartir un mécanisme magique d’une beauté rare. Sa complexité reflète l’intelligence humaine et l’art des Maîtres horlogers aux limites sans cesse repoussées aux frontières de l’impossible.

La Fondation de la Haute Horlogerie a demandé à Dominique Félon de mettre en scène la fabuleuse histoire du chronoscope en maintenant sa désignation, traditionnelle universellement connue, sous le titre : « Le Chronographe, Expression des Temps Modernes ». Pour la première fois à Paris une exposition au Carrousel du Louvre retrace l’évolution d’un objet mythique, l’un des plus fascinants de la maîtrise du temps et précurseur du progrès qu’il a contribué à générer, en évoquant 0après 0chaque moment de son histoire.

Franco COLOGNI

Président de la Fondation de la Haute Horlogerie

02

Le Chronographe naît sur un champ de courses

Le 1er septembre 1821, Nicolas Mathieu RIEUSSEC (1781-1852), horloger du roi, chronomètre à l’aide d’un appareil de son invention une compétition de chevaux organisée sur le Champ de Mars, à Paris. Selon le procès verbal signé par BREGUET et PRONY, il présente le 15 octobre 1821 à l’Académie Royale des Sciences son « garde temps ou compteur de chemin parcouru » qu’il dénomme « chronographe à secondes ». Pour ce dernier, il obtient, le 9 mars 1822, un brevet de cinq ans.

L’appareil porte bien son nom puisqu’il dépose une goutte d’encre sur le cadran en émail au début et à la fin de chaque mesure. Aboutissement de progrès horlogers fondamentaux et point de départ de recherches pour abandonner le marquage à l’encre, le « compteur de chemin parcouru » de RIEUSSEC conduira au chronoscope (improprement appelé chronographe), d’abord de poche, de bracelet ensuite.


Chronographe-compteur

Boîte en laiton. Cadran en argent gravé J. KLINDWORTH. Göttingen. Trotteuse centrale des secondes, totaliseurs soixante secondes à 2 heures et six minutes à 10 heures. Commande par poussoir au pendant. 1760-1770. Musée international d’horlogerie, La Chaux-de-Fonds.

Chronographe encreur de Nicolas Mathieu Rieussec

Coffret en acajou. Cadran tournant de forme annulaire, émail blanc divisé en soixante secondes, chacune fractionnée en cinquièmes. Totaliseur dix minutes. Probablement réalisé à l’occasion du dépôt de brevet, délivré le 9 mars 1822. Plaque en laiton gravée « Chronographe. Bre(ve)t d’invention, Rieussec Horloger du roi, rue Neuve des Petits –Champs n°15 ». Musée international d’horlogerie, La Chaux-de-Fonds.



Aiguille double du chronographe encreur de Beyer à Zurich

Lors de la mesure de l’observation, l’aiguille-marqueur suit celle du chronographe. Au moment de l’arrêt commandé par poussoir, elle traverse l’encrier solidaire de l’aiguille du chronographe et déposé un point d’encre sur le cadran.

Chronographe de poche à rattrapante et foudroyante au quart de seconde

Boîte en or rose. Cadran en cristal signé AUDEMARS PIGUET, Brassus, Genève. Mouvement à deux, 1882. Musée Audemars Piguet.

03

Le Chronographe et l’art médical

Dès l’Antiquité, les médecins grecs, alexandrins et romains, s’aperçoivent que la vie humaine est soumise au rythme régulier du pouls. Vers 300 avant JC, HEROPHILE de Chalcédon découvre que le cœur en est à l’origine et élabore une méthode de comptage de ses battements et de sa cadence au moyen de la clepsydre.

Au premier et au deuxième siècle de notre ère, le médecin grec DISCORIDE souligne à son tour l’importance de la clepsydre en médecine, et GALIEN de Pergame s’en sert pour mesurer fièvre et pouls.

Vers la fin du Moyen Age, des médecins mécaniciens créent des horloges à indications à la fois médicales, astronomiques et astrologiques qu’ils consultent avant de pratiquer leur art. Plusieurs des premières horloges monumentales, indiquant automatiquement les signes du zodiaque et la position des planètes, sont complétées d’un tableau représentant une silhouette humaine nommée l’Aderlassmann, sur lequel sont localisés les points de saignée. Elle fournissent, ainsi, les corrélations entre périodes de l’année et parties du corps les plus favorables à une intervention chirurgicale.

Au cours de la Renaissance, GALILEE recommande l’emploi du balancier pendulaire pour mesurer le rythme cardiaque et ses écarts, et construit même un instrument adapté qu’il nomme pulsilogus.

Les recherches des médecins William HARVEY et Stephen HALES inaugurent l’ère de la précision de la mesure dans le domaine médical corrobant ainsi la théorie de Sir John FLOYER qui stipule la mesure du pouls à l’aide d’une montre dotée d’une aiguille des secondes. A cette fin, il crée un pulsomètre de poche en 1705. Plus tard, la montre à secondes mortes représentera pour le praticien un précieux auxiliaire dans l’établissement des diagnostics.

Il faut attendre la deuxième moitié du XIXe siècle pour que les horlogers, tel VACHERON CONSTANTIN, imaginent de véritables chronographes médicaux dont l’originalité ne réside pas dans leur mécanisme mais dans la graduation de leurs cadrans.

Le pulsomètre, également appelé sphygmomètre, compte le nombre de pulsations cardiaques par minute.

L’asthmomètre, également appelé pneumographe, compte le nombre de respirations par minute.

Ces chronographes, dont les fonctions médicales peuvent être regroupées sur le même cadran, conçus au XIXe et durant une partie du XXe siècle, ont été miniaturisés notamment par GIRARD-PERREGAUX dans les années 1920 afin de pouvoir être portés au poignet.


Montre de poche à seconde indépendante et foudroyante au quart de seconde

Boîte en argent. Cadran émail blanc à grande trotteuse centrale et foudroyante commandées par un poussoir au pendant signé Jules HUGUENIN DROZ. Locle. Totaliseur en périphérie des quarts de seconde mesurés. Fin XIXe Siècle. Collection du Musée d’Horlogerie du Locle, Suisse.

Chronographe-bracelet pulsométrique et tachymétrique pour dame

Boîte en acier. Cadran blanc signé GIRARD-PERREGAUX – Swiss made. Mention « base 20 pulsations ». 1945. Collection Musée Girard-Perregaux, La Chaux-de-Fonds.



Chronographe-bracelet monopoussoir sur couronne de remontoir

Boîte en or jaune de forme coussin. Cadran argent gravé signé VACHERON & CONSTANTIN Genève, Suisse. Mention « base 30 pulsations ». Totaliseur trente minutes, petite seconde à 9 heures. 1937. Patrimoine Vacheron Constantin.

Aderlassmann, XVIe Siècle Bâle, Margarita philosophica

Figure indiquant par les signes du zodiaque les points du corps où la saignée doit être pratiquée et l’époque la plus favorable. Conception astrologique-médicale parue en 1504 dans l’ouvrage de Gregorius REISCH : Margarita philosophica. Strasbourg, Jean Schott et rééditée du Moyen Age au XIXe siècle dans les ouvrages de médecine comme dans les publications et les almanachs populaires. Bibliothèque Municipale de Strasbourg C948. Photo M. BERTOLA.



Chronostop-bracelet monopoussoir

Boîte en acier de forme rectangulaire. Cadran argenté signé MIMO Swiss. Aiguilles et chiffres luminescents. Totaliseur trente minutes à 12 heures, petite seconde surdimensionnée à 6 heures. Fonction chronographe de type Chronostop commandé par la couronne. 1936-1937. Collection Musée Girard-Perregaux, La Chaux-de-Fonds.

04

Le Chronographe compagnon de l’ingénieur

La variété des domaines d’activité de l’ingénieur est telle qu’elle a contraint le monde horloger à imaginer des chronographes dotés d’échelles chronométriques adaptées et qui traduisent directement le problème posé. Le tachymètre marque la vitesse d’un mobile quelconque exprimée selon les unités locales en vigueur au moment de sa fabrication. : miles/heure (correspondant dans les pays anglo-saxons à mille six cent neuf mètres), verstes (mille soixante sept mètres en Russie traditionnelle), kilomètres/heure ou autres.

Le télémètres, bien que parfois employé par l’ingénieur, trouve toute son utilité dans l’art militaire mais aussi auprès des météorologues. Le tachoscope est indispensable au bon réglage des machines et au contrôle de la production. Le productomètre indique directement le nombre de pièces produites en une heure.

Le chronographe à rattrapante aujourd’hui employé dans l’univers sportif a longtemps servi à évaluer, au cours d’une même expérience, des observations intermédiaires de durées inégales mais commençant toutes au même moment. En fonction de ses recherches, l’ingénieur a besoin d’instruments fractionnant plus ou moins la seconde. Aussi les échelles chronométriques sont, selon les applications, généralement graduées en centièmes, cinquantièmes, vingtièmes, seizièmes, dixièmes ou cinquièmes de seconde. Dès que la montre eut atteint un degré de précision suffisant, quel que soit le taux d’armage de son ressort, les cadrans ont été dotés de totaliseurs de temps mesurés allant généralement jusqu’à trente minutes. Sur les chronographes-bracelet contemporains, un second totaliseur enregistre des mesures de durée maximale de douze heures. Toutefois, quelques rares modèles de poche ont pu enregistrer un temps mesuré jusqu’à vingt-quatre heures. La majorité de ces chronographes, alors fabriqués par des spécialistes tels notamment A. LANGE & SÖHNE, GLASHÜTTE ORIGINAL, MOSER & CO., UNION GLASHÜTTE, résulte des bouleversements de la technologie et de l’amélioration de la productivité, engendrés par la révolution industrielle. Ils ont aidé Frédérick Winslow TAYLOR (1856-1915), ingénieur et économiste américain, à concevoir sa méthode scientifique d’organisation du travail. Quelques uns des chronographes, tous développés au XIXe siècle, ont été transposés sous la forme de montres-bracelet.

Expression des besoins de leur époque, certaines graduations, comme par exemple celles des chronographes OMEGA, rappellent des mesures d’alors : vitesse horaire des pigeons voyageurs, des tramways, hippomobiles, des chevaux au trot ou au galop, temps de développement des épreuves photographiques ; d’autres restent auréolées de mystère car nombre d’applications auxquelles elles étaient destinées ont aujourd’hui disparu.


Calibre de chronographe côte ponts à compteur traînant

Calibre LeCoultre 19WCCVM numéro 19901. Dès 1908. Musée Jaeger-LeCoultre.

Chronographe de poche

Boîte en or jaune. Cadran émail blanc marqué CONTETOUT, 71222. Totaliseur vingt-quatre heures des heures et des minutes à 12 heures, petite seconde à 6 heures. 1918. Musée Audemars Piguet.



Chronographe de poche à rattrapante

Boîte en or. Cadran en argent grené signé CARTIER France. Totaliseur trente minutes à 12 heures, petite seconde à 6 heures. Vers 1925. Collection Cartier.

Chronographe tachymétrique de poche

Boîte en or. Cadran émail blanc signé OMEGA antimagnétique, cadran breveté S.G.D.G. BEYER Zürich. Totaliseur trente minutes à 12 heures, petite seconde à 6 heures. Echelle tachymétrique de couleurs différentes graduée de 10,5 à 300 kilomètres-heure. Vers 1905. Musée d’Horlogerie Beyer, Zürich.

05

Le Chronographe et l’art militaire

Le temps est la base fondamentale des calculs de balistique et de l’analyse du tir des armes à feu. Si la mesure de la vitesse élevée des projectiles ne peut être chronométrée à l’aide du chronographe classique, cet instrument doté d’une échelle télémétrique a longtemps été utilisé par les artilleurs pour régler le tir des canons.

Le télémètre, tel celui développé entre autres par BAUME & MERCIER, est un appareil servant à mesurer la distance qui sépare un observateur d’un phénomène visible et audible. Son principe repose sur la différence entre la vitesse de la lumière et la vitesse du son arbitrairement définie à trois cent trente trois mètres par seconde à une température comprise entre 5 et 10 °C. La distance indiquée sur le cadran et rapportée dans la direction indiquée par une boussole sur une carte d’Etat Major permet de déterminer l’emplacement du canon ennemi et éventuellement d’ajuster le tir de réponse.

Aujourd’hui, cet instrument peut être précieux à tous ceux qui, en mer ou sur terre, veulent se mettre à l’abri à l’approche de l’orage.


Chronographe-bracelet télémétrique monopoussoir

Boîte en forme de coussin en or jaune. Cadran en argent grené signé BAUME & MERCIER Genève. Totaliseur trente minutes à 3 heures, petite seconde à 9 heures. 1938. Collection Baume & Mercier.

Chronographe-bracelet tachymétrique et télémétrique

Boîte en or jaune 9 carats. Cadran brun signé GENEVA SPORT Genève, Fab. Suisse. Totaliseur trente minutes à 3 heures, petite seconde à 9 heures. 1951. Collection du Musée d’horlogerie et de l’émaillerie, Musées d’art et d’histoire de la Ville de Genève. Inv. AD4963.

06

Le Chronographe et l’envolée des sciences

L’amélioration de la précision des observations astronomiques est due à l’horlogerie en général et au chronographe en particulier.

Jusqu’à la Renaissance, divers instruments aident à l’observation du passage des étoiles aux méridiens. L’utilisation de la lunette astronomique par GALILEE à partir de 1609 révolutionne la technique des observations stellaires. Pour déterminer l’heuredu passage d’une étoile dans le plan méridien (plan vertical du lieu de l’observation orienté du nord vers le sud), les astronomes utilisent, jusqu’au XIXe siècle, la méthode dite « de l’œil et de l’oreille » : après avoir lu l’heure sur leur pendule ou leur chronomètre dont le balancier bat la seconde, ils en comptent les battements, jusqu’à l’instant du passage de l’étoile au centre du champ de vision de l’appareil, l’œil rivé à leur lunette de visée. L’invention du chronographe rend cette méthode obsolète, l’observateur n’ayant plus qu’à arrêter, manuellement d’abord, puis à l’aide d’un contact électrique, le chronoscope rapidement doté d’une bande d’enregistrement graphique.

C’est grâce, notamment, à des appareils de mesure du temps de plus en plus précis que pourront être décelées certaines caractéristiques de la Terre, dont la forme imparfaitement sphérique et les variations infinitésimales de sa vitesse ont des conséquences sur la détermination de la longitude et de la latitude. La solution à ce problème, vitale pour les marins, est trouvée par l’horloger anglais John HARRISON, en 1761, grâce à ses chronomètres de précision.

Un siècle plus tard, le chronographe doté de ses trois fonctions – mise en marche, arrêt et retour à zéro – est un instrument sans égal pour faire le point, en mer comme sur terre. Complété de boussole, thermomètre et baromètres, il devient l’instrument des grands explorateurs et le domaine d’excellence de Maîtres horlogers, tels AUDEMARS PIGUET, PATEK PHILIPPE, ULYSSE NARDIN et bien d’autres.


Tycho Brahé observant les étoiles en 1587

Le quadrant mural, instrument méridien de l’époque utilisé par l’astronome danois a un rayon de deux mètres. L’horloge à droite indique, fait rarissime pour l’époque, minute et seconde de l’heure au passage de chaque astre au méridien. Planche parue en 1662 dans l’Atlas major, Sive Cosmographia de Johannes BLAEU. Bibliothèque Nationale de France, département des Cartes et Plans.

Chronographe de poche à rattrapante et répétition à minutes

Boîte en or jaune. Cadran émail blanc signé WITTNAUER & Co. Geneva. Totalisateur trente minutes à 12 heures, petite seconde à 6 heures. Calibre LeCoultre 17’’’ SMPCCRV à compteur trente minutes côté cadran et rattrapante côté ponts. Vers 1910. Musée Jaeger-LeCoultre.



Chronographe-bracelet télémétrique

Boîte en or jaune. Cadran argent grené signé CARTIER. Totalisateurs trente minutes à 3 heures, douze heures à 6 heures, petite seconde à 9 heures. 1947. Collection Cartier.

Montre de poche à grande complication

Boîte en or rose. Cadran émail blanc. Chronographe à totalisateur soixante minutes au centre, quantième perpétuel 48 mois sous 12 heures, quantièmes à 3 heures, phases, âge de la lune, petite seconde à 6 heures. Répétition à minutes. AUDEMARS PIGUET, 1882. Musée Audemars Piguet.

07

Le Chronographe et l’univers du sport

Le Jockey Club est fondé en Angleterre, en 1751. À la fin du XVIIIe siècle, la haute société anglaise découvre les compétitions, où hommes, chevaux ou chiens se disputent la victoire. Les spectateurs parient sur le vainqueur. À la même époque, les éleveurs cherchent à mesurer les performances de leurs chevaux. Commence alors le développement du chronographe et du podomètre, appareil destiné à compter le nombre de pas effectués par un piéton ou un équidé en un temps donné.

La première rencontre universitaire d’aviron entre Oxford et Cambridge se déroule en 1829. À cette occasion, les concurrents sont mesurés au quart de seconde, le balancier des chronographes battant alors à 14 400 alternances à l’heure. Dans le domaine sportif, le cinquième de seconde (18 000 alternances à l’heure) restera longtemps considéré comme étant l’unité la plus basse compatible avec les temps de réaction nécessaires à un chronométreur humain pour mettre en route et arrêter son chronographe.

Aujourd’hui, l’échelle tachymétrique circulaire indique des vitesses généralement comprises entre soixante et quatre cents comme en témoigne le savoir faire de PANERAI, voire mille kilomètres/heure. Mais la forme en spirale portée sur les montres-bracelet les plus actuelles permet de porter la plage des mesures de vingt à mille kilomètres/heure.

En 1912, les Jeux Olympiques de Stockholm expérimentent des compteurs photographiques capables de distinguer le dixième de seconde. Le centième de seconde est utilisé en 1924 lors des Jeux Olympiques de Paris. Toutefois, la Fédération Internationale d’Athlétisme amateur, considérant que l’œil humain doit continuer à distinguer le gagnant, refusera de reconnaître la validité de ces résultats. Aux Jeux Olympiques de Rome en 1960, les chronoscopes manuels sont abandonnés au profit de procédés photographiques et électriques. Toutefois, à partir de 1892 et peut-être même antérieurement, certaines compétititons sportives sont mesurées à l’aide de chronographes à déclenchement électrique, pour lesquels Mathias HIPP (1813-1893) fait figure de pionnier. Avec eux, débute une autre histoire car leu performance commence là où la technique de l’horlogerie mécanique a atteint ses limites.


Montre-compteur podomètre

Boîte en or rose. Cadran en émail blanc signé Ralph GOUT, London. Heures et minutes sous 12 heures. Le podomètre peut totaliser un maximum de 60 000 pas. Mouvement gravé « By the King letters patend ». Sysytème breveté en Angleterre par Ralph GOUT (n° 235I du 4,11,1799). Vers 1800. Musée d’Horlogerie Beyer, Zurich.

Compteur de sport

Boîte en argent à fond orné d’un émail champlevé bleu représentant un joueur de tennis. Bélière à émail champlevé. Cadran brossé gradué en soixante secondes. Totalisateur trente minutes sous 60. HUGUENIN Frères, Le Locle. Vers 1930. Collection du Musée d’Horlogerie et de l’émaillerie, Musées d’art et d’histoire de la Ville de Genève. Inv. H 2000-13.


 


Chronographe-bracelet maréographe

Boîte en acier. Cadran argent grené signé HEUER. Maréographe ; mention « pat. Dem. ». Aiguilles et chiffres luminescents. Cadran destiné au yachting à 3 heures, totalisateur douze heures à 6 heures, indication des marées hautes et basses pour un lieu donné à 9 heures. Vers 1950. Musée international d’horlogerie, La Chaux-de-Fonds. 

08

Le Chronographe, code identitaire de l’homme moderne

« Jamais je ne m’assujettis aux heures : les heures sont faites pour l’homme et non l’homme pour les heures » : Rabelais, célèbres écrivain du XVIe siècle. Alors que l’électricité va progressivement rédiger l’histoire de la mesure de temps infinitésimaux, le chronographe-bracelet mécanique va peu à peu accompagner la vie de ses admirateurs. Le chronoscope-bracelet à double poussoir permettant l’addition de temps mesurés et un dispositif de commande à cames sont respectivements développés par BREITLING en 1933 et par DUBOIS-DEPRAZ en 1937, deux spécialistes parmi d’autres tels EXCELSIOR PARK, GLYCINE, UNIVERSAL ou encore MINERVA, aujourd’hui liée au développement horloger de MONT-BLANC. Toutefois, les Maîtres de l’horlogerie de tradition restent aujourd’hui encore fidèles au système de roue à colonnes. En 1949, HEUER, devenu depuis TAG HEUER, lance son chronographe-bracelet à maréographe destiné aux plaisanciers. Bien que la montre à énergie électrique se développe rapidement, le chonographe mécanique continue à fasciner et la jeunesse du début des années 1960 se l’approprie.

En 1967, Georges CASPARI, spécialiste genevois de la publicité horlogère suisse écrit : « le plus grand malheur qui puisse vous arriver, c’est de croire que la vogue des chronographes est un problème de mode ». Visionnaire, il poursuit : « le chronographe pourrait bien être un des remparts de défense de l’industrie horlogère suisse si l’électronique remplace un jour la mécanique ». À la fin du XXe siècle, les grands de la Haute Horlogerie de tradition conçoivent le chronoscope tel un bijou à porter comme un code de personnalité ou un signe de reconnaissance. Parmi eux, Alain SILBERSTEIN, Daniel ROTH, Gérald GENTA, PARMIGIANI FLEURIER et ROGER DUBUIS témoignent d’une approche globale de l’objet où mécanisme, boîte et cadran forment un ensemble, osmose d’originalité, de beauté et de bien facture. JAEGER-LECOULTRE et ROLEX s’appuient sur leur design unique pour refléter une personnalité sportive ou sur un mode de vie. CARTIER, PIAGET, VAN CLEEF & ARPELS logent les mécanismes dans des boîtiers aux lignes joaillières offrant au chronographe l’opportunité d’être porté jusque dans les soirées mondaines. BLANCPAIN, BREGUET et IWC proposent à l’esthète une plongée aux limites de la physique et de la mécanique la plus élaborée. Au début du XXIe siècle, le chronographe, phénomène horloger à part entière, est devenu le symbole du héros moderne, conquérant de la maîtrise de soi, de la vitesse et de la technique. Il possède une particularité que les autres montres n’ont pas. Né du progrès qu’il a contribué à engendrer sur terre, sur mer sous l’eau, dans les airs ou loin dans l’espace, il s’anime à volonté laissant à son détenteur l’impression fugace de dominer le temps et d’avoir prise sur le monde.


Chronographe-bracelet tortue monopoussoir sur couronne de remontoir

Boîte en or jaune. Cadran argent grené signé CARTIER. Totalisateur trente minutes à 3 heures, petite seconde à 9 heures. Le monopoussoir permet le déclenchement, l’arrêt et la remise à zéro de l’aiguille de chronographe. 1929. Collection Cartier.

Chronographe Da Vinci à complications multiples

Boîte en céramique high-tech noire, anses articulées, couronne et poussoirs en or. Cadran blanc signé IWC Schaffhausen. Chronographe à totalisateurs trente minutes à 12 heures, douze heures à 6 heures. Quantième perpétuel, premier du genre, programmé pour indiquer l’année jusqu’en 2199 (entre 7 et 8 heures). 1987. Musée IWC.



Chronographe-bracelet Radiomir Panerai split-seconds

Boîte en acier. Cadran noir signé Radiomir PANERAI. Aiguilles, chiffres et index luminescents. Totalisateur trente minutes à 3 heures, petite seconde à 9 heures. Echelle tachymétrique en périphérie. Mouvement certifié C.O.S.C. 1999 – Edition limitée. Archivio Storico Panerai.

Chronographe-bracelet à mouvement squelette

Boîte en or jaune. Cadran transparent signé PIAGET. Totalisateur trente minutes à 3 heures, petite seconde à 9 heures. 1987. Collection Piaget.

09

Des premiers Chronographes encreurs au chronoscope-bracelet

1675

Christian HUYGENS, en inventant le spiral réglant, fait rentrer la montre dans le monde de l’horlogerie scientifique. Dès lors, les maîtres horlogers cherchent à mesurer la seconde et ses fractions.

~1720

George GRAHAM construit un appareil de laboratoire entrainé par un poids moteur et dont le pendule bat le quart de seconde. Un ingénieux système permet d’indiquer (en théorie) le seizième de seconde.

~1750

Quelques rares capitaines de vaisseaux utilisent des montres dites à seconde morte. La trotteuse se déplace d’un saut par seconde et peut être arrêtée pour faciliter la lecture, mais ce faisant l’ensemble du mécanisme de la montre est stoppé.

1779

Jean Moïse POUZAIT (Genève) présente une montre à seconde morte indépendante. La trotteuse, entraînée par un mécanisme spécifique, peut être enclenchée et stoppée sans perturber la marche du mécanisme des heures et des minutes.

~1780

Apparition de la montre à secondes foudroyantes. Dotée de son propre mécanisme l’aiguille foudroyante exécute une révolution par seconde en s’arrêtant 4 ou 5 fois pour marquer les quarts ou les cinquièmes de seconde. De nos jous, de grandes marques horlogères (AUDEMARS PIGUET, GIRARD-PERREGAUX, JAEGER-LECOULTRE, PANERAI, par exemple) éditent des montres-bracelet dont l’aiguille foudroyante indique des fractions inférieurs au cinquième de seconde.

09/03/1822

Nicolas Mathieu RIEUSSEC (Paris) fait breveter son « chronographe à secondes ».

25/05/1822

Abraham Louis BREGUET, commence la fabrication (terminée en novembre 1823) de deux chronomètres à doubles secondes, dites d’observation. L’une des aiguilles peut être arrêtée pour mesurer des temps intermédiaires.

27/09/1822

Frédérick Louis FATTON, élève d’A.L. BREGUET, perfectionne pour ce dernier l’invention de RIEUSSEC.

11/03/1828

Louis Frédéric PERRELET (Paris) fait breveter son « compteur de physique et d’astronomie », préfiguration du chronographe à rattrapante.

1838

Joseph Thaddeus WINNERL (paris) invente un mécanisme de chronographe à rattrapante, simplifié en 1840 et présenté en 1843 à la Société d’encouragement pour l’industrie nationale.

14/10/1844

Adolphe NICOLE, horloger suisse établi à Londres, fait breveter sous le numéro 10348 son dispositif permettant, grâce à une came en forme de cœur toujours utilisée, de ramener l’aiguille de chronographe à son point de départ.

1862

Adolphe NICOLE dépose à Londres et à Paris de nouveaux brevets reprenant celui de 1844. Henry Féréol PIGUET, horloger de la société suisse NICOLE ET CAPT, construit un chronographe à remise à zéro, présenté à l’Exposition universelle de Londres.

1868

Auguste BAUD place le mécanisme de chronographe non plus sous le cadran mais côté ponts, disposition restée inchangée depuis et qui facilité montage et réglage.

1909-1910

Apparition des premiers chronographes-bracelet

1916

HEUER dépose les brevets du micrographe au 1/100 de seconde et du semi-micrographe au 1/50 de seconde, tous deux chronographes-compteurs de poche.

1926

PATEK PHILIPPE construit les premiers chronographes-bracelets à monopoussoir.

1928

CARTIER crée sa montre-bracelet Tortue Chronographe monopoussoir.

1933

Léon BREITLING dépose deux brevets relatifs à un mécanisme à deux poussoirs et qui permet la mesure de temps cumulés pour chronographe-bracelet. Le mécanisme est l’extension de celui pour chronographe de poche déposé par la marque en 1923.

1935

UNIVERSAL lance son chronographe-bracelet Compax, ultérieurement suivi de l’Uni-Compax, de l’Aéro-Compax, du Tri-Compax et du Médico-Compax. L’appellation Compax, bien que déposée, devient à l’époque un terme générique pour désigner tout chronoscope ayant des fonctions identiques.

1936-1938

LONGINES développe le premier chronographe-bracelet à fonction flyback ou retour de vol. Celle-ci permet par pression sur le poussoir inférieur de ramener à zéro l’aiguille de chronographe, laquelle repart aussitôt.

1937

DUBOIS-DEPRAZ (Suisse) développe un dispositif visant à remplacer par des cames la roue à colonnes chargée de régler les différentes fonctions.

1946

Albert PIGUET, de la société suisse LEMANIA, réalise un prototype (non exploité) du premier chronographe-bracelet à remontage automatique.

1968

ZENITH crée « El Primero » et DUBOIS-DEPRAZ le Chronomatic, tous deux chronographes à remontage automatique.

21/07/1969

Neil ARMSTRONG et Edwin ALDRIN exécutent les premiers pas de l’homme sur la lune, une Omega Speedmaster à leur poignet.

1985

IWC lance le chronographe à calendrier perpétuel IWC Da Vinci.

2005

TAG HEUER présente son calibre 360 concept-chronographe dont le principe consiste à fusionner deux mouvements mécaniques chacun relié à l’autre à l’autre, mais fonctionnant indépendamment. Le mécanisme de la fonction chronographe bat à 360 000 alt./h avec une autonomie de 100 heures.

2006

JAEGER-LECOULTRE lance l’AMVOX 2 Chronograph Concept. Les fonctions du chronographe sont commandées par pression sur la glace saphir.

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Magie et mystère du Chronographe

Lorsque son propriétaire embraye, stoppe, fait repartir, stoppe à nouveau et ramène l’aiguille de la fonction chronométrique en agissant sur les poussoirs, le chronographe s’anime.

Dans tout chronoscope, la roue de la petite seconde dont l’aiguille est visible côté cadran transmet par l’intermédiaire d’une roue d’embrayage la force motrice au mécanisme du chronographe et en particulier à sa trotteuse centrale.

La magie et le mystère résident dans un rochet à six dents appelé roue à colonnes.

Au repos (ou à zéro), la roue de la trotteuse du chronographe est dissociée de celle de la petite seconde et les bras de commande sont en arrêt sur des cames en forme de cœur (position attente, ill. A). Par pression sur le poussoir de démarrage généralement placé à deux heures, la roue à colonnes tourne sur elle-même d’un cran pour embrayer les deux roues de seconde et retirer le marteau qui maintient les aiguilles du chronographe et de son totalisateur de minutes à zéro (position fonction, ill.B). lors de l’arrêt du chronographe, la roue à colonnes tourne d’un cran pour débrayer les deux roues des secondes arrêtant ainsi la trotteuse centrale et pour maintenir le marteau en position neutre (position acquisition, ill. C).

Lors du retour à zéro par pression sur le deuxième poussoir généralement placé à 4 heures, la roue à colonnes tourne d’un cran pour laisser tomber les marteaux sur les cames en forme de cœur, lesquelles ramènent les aiguilles du chronoscope à leur point de départ.



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Utilisation des chronoscopes

Pulsomètre

Le médecin déclenche l’aiguille du chronographe lorsqu’il commence à compter les pulsations et l’arrête au moment où leur nombre correspond à la base portée sur le cadran ; la trotteuse indique alors le rythme des battements du cœur par minute.

Asthmomètre

L’appareil repose sur le même principe que celui du pulsomètre. Selon la base de graduation mentionnée sur le cadran, la trotteuse indique alors le nombre de respirations par minute.

Chronographes au centième de seconde

La majorité de leurs cadrans présente l’échelle des secondes divisée en 300 unités. La lecture au centième se fait directement, l’aiguille du chronographe effectuant un tour en trois secondes.

Télémètre

L’appareil est déclenché au moment où l’éclair de l’orage, ou l’éclat lumineux qui accompagne le tir du canon est visible et arrêté dès que l’oreille en perçoit le son. Le chiffre porté sur le cadran, en regard de l’aiguille immobilisée, indique l’éloignement exprimé en kilomètres et centaines de mètres qui sépare l’événement de l’observateur.

Tachymètre

L’appareil est déclenché au moment où un mobile passe en face d’un des deux repères définissant la distance correspondant à la base (kilomètre, mile, etc.) inscrite sur le cadran. Il est arrêté au passage du mobile en face du second repère. Le nombre indiqué par l’aiguille sur l’échelle tachymétrique représente la vitesse en kilomètres ou en miles à l’heure.

Chronographe à rattrapante

L’appareil permet de chronométrer des phénomènes commençant en même temps mais de durées différentes (épreuve sportive à plusieurs concurrents par exemple). Au moment du déclenchement, l’aiguille de chronographe et celle de la rattrapante sont superposées. Une pression sur le poussoir dédié à la rattrapante arrête celle-ci alors que l'aiguille de chronographe poursuit sa progression. Après lecture de la mesure, une deuxième pression sur le poussoir de la rattrapante libère celle-ci qui rejoint instantanément l’aiguille de chronographe toujours en marche et se synchronise avec elle.

Compteur

Chronographe de poche dépourvu du mécanisme permettant d’indiquer heures, minutes et secondes.

 

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