On a l’habitude de dire que les déficits publics, et donc l’endettement de l’État, de l’Assurance-maladie et des collectivités territoriales, sont des impôts sur le futur. C’est-à-dire qu’ils sont différés sur les impôts qui serviront à les rembourser à l’avenir. On utilise souvent l’argument des « générations futures » sur lesquelles pèsera le fardeau de la dette publique, avec, comme sur le dessin de Trez ci-contre, la métaphore du bébé sur lequel pèserait déjà plusieurs dizaines de milliers d’euros de dettes.
S’il est exact que les générations futures devront rembourser les emprunts contractés par les dirigeants des générations présentes, ainsi que les intérêts de cette dette (la charge de la dette, qui sera le premier poste budgétaire de l’État en 2013), cela ne veut pas pour autant dire que les Français de 2010 ne supportent pas déjà le poids de l’endettement contracté cette année.
En fait, le recours à l’emprunt effectué par l’État sur les marchés financiers pour financer son endettement détourne de l’argent qui aurait pu être investi dans d’autres activités économiques. Comme toute richesse, l’argent existe en effet en quantité limitée.
Cela est résumé dans une récente étude de l’Institut Constant de Rebecque, « Les dangers et l’immoralité de l’État-providence » :
« [L]a société paie pour l’endettement public [...] au moment où il est contracté, et non seulement au moment du remboursement. En effet, chaque franc* emprunté aujourd’hui par l’État est nécessairement pris quelque part. Ce franc n’est par conséquent plus disponible pour le secteur privé qui aurait pu l’investir et l’utiliser. Les ressources de la société sont toujours limitées : ces ressources sont donc utilisées soit par les individus dans le secteur privé, soit par le gouvernement. Elles ne peuvent pas être utilisées en même temps par les deux. Ainsi, chaque franc emprunté par l’État aujourd’hui (et la ressource réelle que représente le pouvoir d’achat de ce franc) ne peut pas être utilisé par les entreprises pour, par exemple, accumuler du capital, innover ou améliorer le savoir-faire des travailleurs afin d’augmenter leur productivité.
À la place, ce franc (et la ressource qu’il représente) est utilisé par l’État pour une consommation présente : les prestations sociales, les rentes en tous genres, les salaires des fonctionnaires. Par conséquent, plus l’État social absorbe de ressources, plus la société s’appauvrit dans le long terme, car les ressources sont utilisées pour une consommation présente, à la place d’être accumulées pour former un capital qui assurera les investissements nécessaires à un niveau de vie plus élevé à l’avenir. » (p. 4)
Voilà qui vient confirmer une fois encore le pamphlet de Frédéric Bastiat, Ce qu’on voit et ce qu’on ne voit pas : ce qu’on voit, c’est l’argent mis à disposition de l’État par ses créanciers pour financer son endettement. Ce qu’on voit moins, c’est la dette qui pèsera sur les générations futures. Et ce qu’on ne voit pas du tout, c’est ce à quoi cet argent aurait pu servir d’autre, maintenant.
Il est donc doublement important de dénoncer l’endettement public : non seulement celui-ci sacrifie l’avenir des Français à naître, mais il entrave ceux d’aujourd’hui, qui bénéficieraient de cet argent s’il ne servait pas à financer la dette de l’État.
* Les nostalgiques du franc apprécieront ; les autres remplaceront « franc » par « euro », le problème étant le même chez nous.