« N’oublions pas, parmi les enfants de notre pays, les fils et petit-fils d’immigrés. On voudrait qu’ils renoncent à une partie d’eux-mêmes, comme expulsés de leur propre vie. Mais ce serait réduire leur identité, alors qu’ils peuvent être fiers de ces histoires, de cette histoire qu’ils portent en eux. […] Notre mémoire ne se résume pas à nos ancêtres les Gaulois. […] Dans nos mémoires, il y a aussi le souvenir d’Abd el Kader, de Massinissa, de l’empire du Mali ; il y a Toussaint Louverture ; il y a Félix Eboué, Aimé Césaire et Léopold Sédar Senghor. »
Dominique de Villepin.
Notre mémoire ne se résume pas à nos ancêtres les Gaulois.
En soi, je n’ai rien contre cette phrase. Dans l’absolu, je pourrai la signer sans me renier aucunement.
Dans l’absolu seulement, parce que ce qui entoure cette phrase me ferait gerber si j’avais encore la plus petite considération pour mon époque.
Que Villepin se lève contre l’assimilation ne me surprend aucunement. Il a toujours été bien accueilli dans les banlieues, souvent au son de chants traditionnels divers. (Indice : le chant était originaire du sud de la Méditerranée.)
Néanmoins, Galouzeau a raison sur un point : il faut ouvrir nos mémoires.
Attention, il faut ouvrir nos mémoires, mais pas à n’importe quoi.
Il est hors de question de les ouvrir aux aztèques, au Japon médiéval ou à l’empire du Mali. Nos mémoires ne connaissent pas et n’ont pas à connaître la dynastie Qin, la triple alliance aztèque ou Massinissa.
Pourquoi ? Non pas au nom d’un jugement moral quelconque, ces civilisations sont éminemment respectables. Simplement, parce que ces éléments ne font pas partie de notre histoire, et à fortiori de nos mémoires. Nous n’avons rien à voir avec ces histoires là, ces mémoires là, distantes de plusieurs milliers de kilomètres des notre.
Par contre, nos mémoires ne devraient pas se limiter aux frontières de l’Hexagone. Nos mémoires devraient intégrer, au moins en partie, celles de nos voisins européens et occidentaux. Il n’y a pas de raison que la royauté anglaise, le Saint Empire Romain Germanique, la Lituanie païenne, ou l’Empire Austro-hongrois ne soient pas dans nos mémoires. Pourquoi celles-ci devraient se limiter à Saint-Louis, Jeanne d’Arc, Robespierre et Clemenceau, et oublier Richard Cœur de Lion, Vlad Tepes et Luther ?
Car ces mémoires sont les mémoires de nos frères, et ce faisant, elles sont également les notre dans notre mémoire civilisationnelle.
Mais nos mémoires y sont déjà partiellement ouvertes. Tous les petits français connaissent Robin des Bois, les contes des frères Grimm et la conquête de l’ouest américain. Par contre, l’empire du Mali et Massinissa, personne ne connais.
Villepin a une bien étrange idée de la France. Moi, je préfère avoir une certaine idée de l’Occident.
PS : au fait, Villepin devrait réviser ses livres d’histoire. Abd el Kader, Louverture, Senghor ou Césaire sont déjà dans nos mémoires. En tant qu’ennemis valeureux pour les deux premiers, en tant que poètes grandioses pour les deux autres.