Ce qui manque à l'écriture, c'est la vocifération. Cinglante, violente.
C'est une pensée qui me traverse régulièrement l'esprit. Jusqu'à présent, je la laissais libre de pénétrer mon esprit et d'en sortir, sans chercher à la retenir. Mais ce soir, elle me revient et j'ai besoin de la coucher.
Lorsque j'écris un texte résolument intimiste, je l'écris sur un certain rythme que j'entends distinctement dans ma tête, avec un jeu de voix qui se répondent, s'entremêlent, s'opposent... Un hurlement peut donner la réplique à un chuchotement, une phrase « lyrique » peut se terminer par un mot susurré, à peine inaudible avant de se terminer en cri exagéré de « vieille truie qu'on égorge ». Tout cela est bien calé dans ma tête. (j'en vois certains se demander si il ne serait pas judicieux d'appeler les hommes à la blouse blanche. Rassurez-vous, dans la vraie vie, je suis normale).
Malheureusement, le lecteur extérieur reste hermétique à ma lecture intérieure. Logique d'ailleurs.
Mémé Duras à écrit « Écrire, c'est aussi ne pas parler. C'est se taire. C'est hurler sans bruit. » ( Écrire). J'approuve, c'est un bon début, d'écrire sa rage. Mais, n'est-ce pas s'arrêter au milieu du chemin. Hurler sans bruit, ça sonne comme un goût d'inachevé.
Enfant, on passe par l'étude du graphisme (trait, point, spirale...) afin d'apprendre la formation des lettres. Une fois les lettres apprises, on nous assène l'alphabet, la grammaire... Et nous accédons à ce moment à l'état suprême d'être humain lettré , délaissant complètement le graphisme (si si, il n'y a qu'à regarder l'écriture de certains médecins).
Et si nous en revenions aux graphismes pour exprimer les émotions et laissions l'alphabet aux raisonnements.
La communication du cri pourrait-elle passer par un agencement savant (ou pas) de la typographie, un choix judicieux (ou pas) dans le choix de la police de caractère ? Mais au fond, n'est-ce pas que du bricolage ? Et puis comment différencier un cri de rage d'un hurlement de douleur ? Comment le teinter de nuance ?
Et si la vraie question était qu'un texte écrit ne servait à rien si rien ne le fait vivre ? Après tout, rien ne ressemblera jamais mieux à une vocifération, qu'une vocifération elle-même.