Peu d'hommes ont été possédés de la passions des aventures au même degré que Ledyard, qui n'en fut pas guéri par les malheurs et les souffrances que sa hardiesse lui attira.
Ledyard avait une organisation capable d'endurer les plus grandes privations, et une audace sans bornes, mais il ne manquait ni de sang-froid, ni de prévoyance. "Mes souffrances, disait-il, ont dépassé tout ce que j'ai dit, et tout ce qu'on peut en croire. J'ai connu la faim, la nudité ; l'on m'a jeté un morceau de pain comme à un fou abandonné, et j'ai dû adopter volontairement ce rôle pour échapper à des misères plus grandes encore. Mais rien n'a jamais été capable de me détourner et de m'arrêter."
Simple caporal de marine, il réussit pour ses débuts à faire avec le capitaine Cook le tour du monde. Mis en goût par ce voyage, il entreprit de parcourir dans toute sa largeur le continent américain, et se mit en route avec dix guinées (250 francs), vers la fin de 1785 ; au bout de l'année, il avait atteint la côte du Kamtchatka. Il considérait son entreprise comme terminée, quand il fut arrêté par ordre de la cour de Russie ; on le dépouilla de tout ce qu'il possédait, on le jeta sur un traîneau et on lui fit traverser toute la Sibérie. De là on l'emmena à Tolochin, sur les frontières de la Pologne, et on l'avertit que s'il reparaissait en Russie, il serait pendu sans délai.
A son arrivée en Angleterre, il demanda quelques secours au riche naturaliste Joseph Banks, qui le connaissait et l'admirait. Banks lui fit part du projet que la Société royale avait formé d'envoyer un explorateur dans l'intérieur de l'Afrique. Ledyard s'empressa d'offrir ses services qui furent acceptés. Son plan était de traverser l'Afrique dans toute sa largeur, comme il avait traversé le continent américain, et de faire cet immense voyage seul et à pied. Sir J. Banks lui remit une lettre de recommandation et de crédit pour sir Henri Beaufort, un des membres les plus actifs de l'association. Introduit chez lui en son absence, il attendait dans le salon, où était déployée une grande carte d'Afrique ; il y traça une ligne qui allait du Caire au plateau de Sennaar, et de là suivait un parallèle pour atteindre le Niger. C'était selon lui la meilleure route à prendre. Sir H. Beaufort survint pendant que le voyageur marquait ainsi d'avance son itinéraire, et s'entretint avec lui. Au cours de la conversation, il lui demanda :
- A quelle époque comptez-vous vous mettre en route ?
- Demain matin, répondit Ledyard.