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Concours pour créateurs : les coulisses d'un jury

Publié le 14 août 2010 par Ludovicgiraud
Concours pour créateurs : les coulisses d'un jury

Être lauréat d'un concours à la création d'entreprise est souvent un sésame pour boucler votre projet. Pour décrocher ce sésame, passage quasi-obligé devant un jury. À travers les coulisses d'un jury, nos conseils pour franchir cette étape avec succès. 
Les concours visant à aider les créateurs et chefs d'entreprise sont légion en France. À la clé, prêt d'honneur, accompagnement, subventions diverses : un sérieux coup de pouce pour les porteurs de projet. Mais, avant d'en arriver là, un sérieux coup de stress également pour ceux qui devront défendre leur projet devant un jury. Nos conseils pour passer cette étape en mettant toutes les chances de votre côté.
8 h 15, un mercredi matin à Paris. Dans les locaux de l'organisateur du concours, le jury se retrouve. Pendant deux jours, une dizaine de représentants de banque, assurance, structures d'aide à la création et journalistes vont voir défiler 24 aspirants à la création d'entreprise. À l'issu de ces deux jours, 7 projets seront sélectionnés et repartiront avec une aide financière, un accompagnement et une médiatisation bien utiles pour démarrer. 15 minutes avant le passage du premier candidat, les dossiers sont distribués. C'est le seul élément dont le jury dispose avant le face à face. Deux clans se distinguent : les uns parcourent rapidement les différents dossiers, les autres préfèrent découvrir « à blanc » le créateur et ensuite s'appuyer sur les éléments écrits. Dans ces dossiers, les porteurs de projet pré-sélectionnés ont présenté leur concept, leur vision du marché, avec une large part faire au business-plan et autres éléments chiffrés.
Attention à la présentation
Le premier candidat arrive. Ce jury a prévu 20 minutes de présentation par porteur de projet, suivies par 10 minutes de questions. À la disposition du candidat, un ordinateur lui permettant d'illustrer sa présentation de tableaux, de graphiques, de photos, etc... Durant ces deux jours, certains candidats utiliseront cet outil à bon escient, d'autres auront quelques difficultés pour faire passer les documents prévus (problème de fichiers incompatibles), d'autres, plus rares heureusement, n'y toucheront pas. Un premier conseil : les présentations s'enchaînant à un rythme soutenu, les éléments visuels concis permettent de retenir l'attention du jury. Pour cela, faites bien attention à la compatibilité informatique de vos documents... pour éviter de passer 5 minutes stressantes à débugger l'ordinateur pendant que le jury s'impatiente !
Un jury et des hommes
Passer devant un jury, c'est aussi une rencontre. Au-delà des éléments techniques, il s'agit de convaincre, de séduire. Si certains sont plus l'aise que d'autres, des détails ne passent pas : « Ce candidat a passé toute sa présentation à regarder son écran d'ordinateur, remarque un membre du jury. Pire, cet autre qui nous tournait carrément le dos, les yeux fixés sur le tableau... » De même, à la fin d'une audition, un juré conseillera gentiment au candidat : « Vous n'arrêtez pas de conclure vos phrases par des "voilà" ou des "etc". Attention car cela donne un peu l'impression que vous nous baladez en restant évasif .» Les jurés préféreront toujours une voix ou une main qui tremblent à cette attitude où les regards n'arrivent pas à se fixer !
Côté tenue, si c'est là encore un élément accessoire, certaines maladresses doivent être évitées. Pas question de venir endimanchés, mais vous êtes ici pour vous vendre en tant que chef d'entreprise, pas en tant que touriste. L'idéal est de porter une tenue adaptée à votre futur statut et activité : « J'ai bien aimé ce candidat qui arrive avec une cravate de couleur, en nous expliquant que ce sera la tenue portée par ses futurs salariés, souligne une jurée. En revanche, cette candidate qui souhaitait se lancer dans les services aux entreprises et arrive en petite tenue estivale, cela ne cadre pas du tout avec son projet ! »
Dernière précision : si vous soutenez un projet avec des associés, le mieux si possible est de venir accompagné. « En tant que banquier, si je vois qu'un seul des trois associés a pris la peine de se déplacer, c'est déjà un mauvais signe ! », lance l'un des membres du jury. « Encore faut-il qu'ils viennent ici avec quelque chose à dire, lui rétorque un autre. On a vu de nombreux duos ou trios mais souvent, un seul prenait la parole ! » Mention spéciale à ces trois futurs entrepreneurs qui s'étaient répartis les rôles, chacun présentant la partie où il allait intervenir (marché, marketing, technique).
Connaître le marché et ses réglementations, un impératif !
Au fil des passages, morceaux choisis : « Son projet semblait intéressant..., mais dès qu'on lui a posé une question sur le marché, je ne l'ai pas senti. » « Ce candidat n'a aucune idée des obligations à remplir pour se lancer sur ce secteur. Même si son idée est bonne, il n'y arrivera pas car il s'attaque à un lobby... » Le jury questionne en effet souvent le créateur sur sa vision du marché. Il ne suffit pas de pouvoir présenter quelques statistiques de l'Insee mais par exemple de présenter un état de la concurrence, des résultats d'une étude terrain,etc. Si votre projet implique un local particulier, montre que vous avez au moins commencé les recherches. Même chose pour les fournisseurs. Le comble (vécu) : un candidat à qui l'on demandait de préciser à qui il comptait sous-traiter la partie industrialisation, contourne le sujet pour finir par lancer : « C'est under-control »... Rédhibitoire !
Les indispensables éléments chiffrés
À chaque fois, le jury vous bombardera de questions chiffrées, même si vous avez par ailleurs fourni des éléments. Sachez donc évaluer votre seuil de rentabilité, mettre en adéquation le CA et les dépenses. N'hésitez pas à vous faire aider par un professionnel pour bâtir ces éléments. En effet, face à une activité demandant de lourds investissements automobiles, le créateur souhaitait financer le tout à 50% en cash : « Attention, réplique aussitôt un banquier. C'est trop risqué. Faites porter le risque sur des professionnels dont c'est le métier et gardez votre trésorerie pour autre chose ! »

Autre cas de figure : « Un projet qui réclame 13 000 euros de financement aujourd'hui pour indiquer, dans ces prévisons, 32 000 euros de CA dans trois ans, je ne vois pas l'intérêt ! » s'exclame un banquier. Mieux vaut, dans ce cas, frapper à la porte de structure de micro-crédit. Ne sous-estimez pas vos besoins. Deux créateurs en herbe sont ainsi venus avec un projet séduisant mais qui, sur trois ans, ne montrait jamais de dépenses consacrées au loyer. Idem pour votre rémunération ou vos embauches, car le commentaire du professionnel de la finance est sans appel : « Les prévisions a minima ne rassurent pas, au contraire, car on sait par avance qu'elles devront être révisées ».
Technique... mais pas trop !
Devant la multiplication des créations d'entreprise portant sur les logiciels ou Internet, n'oubliez pas que votre jury, contrairement à vous, n'est pas sensé tout connaître de la technique. « Parlez-nous comme si nous avions 5 ans », lâchera ainsi un juré face à la multiplication des abréviations et autres codes XML au cours d'une présentation. Renseignez-vous sur la composition du jury avant pour voir si vous avez plutôt affaire à des experts du financement, de l'innovation, ... Par ailleurs, plusieurs candidats n'ont pas pensé à montrer leur produit ou leur réalisation. « Ce projet dans le secteur du spectacle, sans image, c'est vraiment déceptif ! » lancera un juré. A contrario, une création moins aboutie mais ayant su venir avec des maquettes remportera l'adhésion du jury au final.
Faites partager votre envie
Enfin, au-delà de la technique, du concept, des chiffres, montrez votre envie de créer. Le jury a ainsi été unanime sur le sort d'un dosser : ce sont des informaticiens bon techniciens mais leur projet n'est pas "porté" par une passion. Ils pourraient tout aussi bien vendre des tomates en ligne. Ils veulent faire du business, mais pas réussir absolument avec cette idée. Autre travers : certains projets, trop avancés (ce qui est un point positif) ont même provoqué ce commentaire : « C'est solide, et bien ficelé au niveau financement. Mais qu'est-ce que l'on pourrait leur apporter ? Mieux vaut choisir un candidat qui a plus de besoin... » Le jury a ainsi apprécié les rares porteurs de projet qui, en une phrase, ont su expliquer ce que pourrait apporter le prix (effet levier, accompagnement...) s'ils étaient retenus.

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