Par contre, il convient de distinguer la pénibilité de la « dangerosité ». Le dictionnaire n’apporte aucune aide dans cette distinction. En effet, on trouve que « danger » est une situation où l’on a à redouter un mal quelconque. « Mal » est défini comme ce qui est pénible. La définition de « pénible » est une situation où l’on éprouve de la fatigue. Ainsi donc, si l’on en croit le dictionnaire, est dangereux ce qui fatigue, ce qui, sans être totalement faux, est manifestement excessif ! Un travail dangereux n’est pas forcément pénible. Il est dangereux de sécuriser les pistes de ski, ce qui n’est pas nécessairement pénible. Inversement, il est pénible de réaliser un travail répétitif sur une chaîne d’emballage, sans que ce soit obligatoirement dangereux. Il n’y a pas de bijection entre ces deux concepts. La dangerosité se mesure à la nature des risques encourus par les individus. Ainsi, le métier de pompier est assurément dangereux (et sûrement pénible) alors que celui de conducteur de TGV ne l’est pas. Il doit être possible de dresser une carte des métiers en fonction de ces deux critères à la fois et de déterminer des zones dans lesquelles le nombre d’années de cotisation pourrait être réduit d’un certain nombre d’années. Par exemple, un métier classé à la fois très dangereux et très pénible (pêcheur en mer, mineur) se verrait alloué une réduction de 5 années alors qu’aucune réduction ne serait possible pour un métier ni dangereux ni pénible. De manière intermédiaire, un métier relativement dangereux et modérément pénible (grutier) bénéficierait d’une réduction de 2 ans. Un métier dangereux mais sans pénibilité particulière (entretien sur autoroutes) ou un métier pénible mais sans danger (caissière de supermarché qui n’encoure que le danger de se faire licencier !) bénéficierait également d’une réduction de un ou deux ans.
Il n’en reste pas moins que l’exercice reste difficile car les conditions de travail et de management influent de façon considérable sur la dangerosité et la pénibilité d’une tâche. Selon la nature des outils utilisés (robots par exemple) une tâche peut être plus ou moins pénible. Selon les mesures de sécurité prises, une tâche peut être plus ou moins dangereuse. Or, les conditions de travail sont variables d’une entreprise à l’autre, même si la loi impose un minimum de règles. Comme il est impossible d’envisager qu’un salarié se voie attribué une réduction d’années de cotisation et que cette réduction soit refusée à un salarié exerçant le même métier mais dans une entreprise différente au prétexte que les conditions de travail sont meilleures, comment, dans ce cas, prendre une mesure collective ? À vrai dire, il est à craindre que, lors de la discussion qui s’annonce entre le gouvernement et les syndicats, l’objectivité de l’analyse ne soit pas invitée ! Il reste deux vérités incontournables. Tout d’abord, avec une population vieillissante de plus en plus nombreuse (l’espérance de vie augmente d’un trimestre tous les ans !), le temps de la vie consacré au travail ne peut qu’augmenter puisque ce sont les actifs qui cotisent pour les retraités. Ensuite, ces discussions byzantines sur l’âge de la retraite font croire que le travail est une calamité dont il faut se débarrasser le plus tôt possible. Or, le travail est un élément essentiel de la dignité humaine et il est faux d’affirmer qu’il est nécessairement source de souffrance, comme on peut l’entendre dans la bouche de certains syndicalistes. Il est, bien souvent, cause de satisfaction et de justification d’une existence, ce qui n’est pas rien. D’ailleurs, cette attitude consistant à assimiler travail et souffrance est une insulte insupportable envers tous les chercheurs d’emplois qui perdent confiance en eux faute d’un travail. La posture, prise par certains, consistant à affirmer que la durée du travail est mortifère et que le travail lui-même est une aliénation parce que le contrat de travail est un contrat de subordination est une attitude caricaturale qui relève d’avantage de l’esprit de la lutte des classes du XIX ème siècle que d’une réflexion intelligente. Il est parfaitement populiste de faire la confusion volontaire entre travail et effort. Il n’y a pas de travail sans effort, ce dernier devant être compensé par l’intérêt et la reconnaissance sociale. À tous ceux qui seraient tentés d’écouter le chant des contempteurs du travail et de l’entreprise, rappelons cette pensée d’A. Einstein : « Il faut éviter de frétiller de façon bouffonne dans le filet des concepts admis ».