Marie de Hennezel : "S'accomplir fait passer dans un autre temps"...
Trois ans après La Chaleurdu coeur empêche nos corps de rouiller, Marie de Hennezel publie un secondlivre sur l'art de bien vieillir : Une vie pour se mettre au monde (éd. Carnets Nord), écrit avec le philosopheBertrand Vergely. Ils y parlent de leursouci prioritaire : une vie humaine ne vaut que si l'on cultive son esprit, sonmonde intérieur. Se faisant, chacun peut découvrir en soi l'accès à un autretemps – ralenti jusqu'à devenir éternel ?
Une caisse de retraite vous a demandé d'imaginer une façonde préparer les nouveaux venus dans le troisième âge...C'est passionnant. J'ai mis au point un séminaire de cinqjours où nous faisons une exploration de fond. Et je suis frappée par lalucidité de nos contemporains : à partir de 60 ans, et même de 50, ils saventl'enjeu que représente une vieillesse réussie, pour soi-même et pour lesgénérations futures. Ils n'ont pas envie de rater cette partie de leur vie !Souvent, je ne sers que de facilitatrice d'échanges entre eux.
Dans votre livre, Bertrand Vergely dit qu'il y a deux façonsd'« épouser les limites » pour mieux vieillir : l'humour et la lenteur.Il explique que la vieillesse ne devient un naufrage que sila personne n'édifie pas en elle-même un être intérieur. Un être qui sembleobéir à un autre temps – car on peut être très vieux et continuer à se sentirjeune à l'intérieur. Il ne s'agit pas de jeunisme. Au contraire, on est àl'opposé du mensonge. C'est pourquoi l'humour et la lenteur sont essentiels.Ils permettent â la personne du 3ème ou du 4ème âge deprendre de la distance, de s'alléger, et aussi de découvrir une sensualité toutà fait nouvelle, dont elle n'avait aucune idée tant qu'elle vivait dansl'action et la vitesse. Elle découvre alors que la vieillesse offre lapossibilité d'un passage crucial du « faire » à l'« être ». Bertrand Vergelyaime comparer la vie humaine à une œuvre artistique. Tout artiste sait qu'ilfaut savoir achever une œuvre. Il faut savoir terminer sa vie. Pour soi-même etpour les autres. L'assimiler ouvre à l'essentiel, et notamment à un autretemps. C'est la question que pose Jacqueline de Romilly en retrouvant sessouvenirs d'enfance, dans Les Révélationsde la mémoire (éditions de Fallois) : se peut-il que notre temps intérieursoit celui de l'éternité ?
extrait de Nouvelles Clés n°66