Tourisme au Mexique
Trois semaines en prison pour deux Québécois
Lorsque Carlos Oliva et Fanny Parent ont traversé la frontière mexicaine en autobus en décembre dernier, ils dormaient à poings fermés. Conséquence : les deux étudiants en arts visuels de l’UQÀM sont alors entrés clandestinement au pays de Felipe Calderon. Plutôt qu’un séjour au bord de la plage et des expéditions en mode sac à dos, ils ont eu droit à une vingtaine de jours de prison et un retour forcé au Canada. Récit d’un périple pour le moins olé olé!
Marie-Josée Richard Dossiers Chronique du prisonnier, International
Quelle que soit la version des faits, les deux jeunes sont entrés au Mexique illégalement. Une fois à destination, plutôt que d’aller chercher l’étampe requise à Mexico, les vacanciers se sont envolés pour les plages de Cancun. «Au diable la bureaucratie, on règlera ça à la sortie», se sont-ils dits. Un douanier de l’aéroport les avait pourtant mis en garde contre leur nonchalance, leur recommandant de faire étamper leur passeport dès leur arrivée dans cette ville de la côte ouest. «On ne l’a pas pris au sérieux», reconnaît Carlos.
Du Mexique aux États-Unis
Les deux aventuriers ont vite déchanté une fois arrivés à Cancun: les plages, remplies de touristes, ne sont pas aussi attrayantes qu’espérées. Ils décident de repartir aussitôt vers l’est, vers des villages isolés de la campagne mexicaine.
«C’est là que cela s’est corsé», raconte Carlos. «Les autobus qui traversent le pays sont bondés de Guatémaltèques, de Péruviens et de Boliviens désireux de traverser le Mexique pour rejoindre les États-Unis, l’eldorado des gens du sud.» Résultat? «Il y a de nombreux postes de contrôle pour vérifier si les papiers des voyageurs sont en règle.» À Oaxaca, un agent de l’immigration fait descendre les deux Québécois de l’autocar: pas de preuve d’entrée au pays, pas le droit de circuler. Leur terminus: le centre de détention Tapanatepec, situé à une quinzaine d’heures d’autobus de Cancun, non loin de la frontière avec le Guatemala. Après dix jours en sol mexicain, fini les vacances.
L’expérience du sud en prison
Fanny l’admet aussi: «C’est notre faute, on aurait dû être à l’affût.» L’étudiante n’en était pourtant pas à son premier voyage à l’étranger, elle avait visité la France, le Pérou, la Bolivie ainsi que quelques villes américaines.
Rien dans les poches
Après une semaine de détention, Fanny, devenue fébrile, décide d’aviser sa mère. Carlos a mis quelques jours de plus avant de contacter les siens à Montréal. Encore une fois, le couple se bute à un mur: même leurs parents sont impuissants. Il faudra se montrer patient.
Heureusement, ils ont bien été traités : ils mangeaient trois repas par jour, avaient accès à une salle commune, pouvaient circuler dans la prison et disposaient d’une chambre pour deux. De plus, les autres détenus et les agents d’immigration étaient très aimables et courtois. Cependant, le temps leur a paru long derrière les barreaux; pour se distraire, ils jouaient au bonhomme pendu. Mais être gardé entre quatre murs contre son gré est loin d’être le scénario idéal pour des vacances à l’étranger.
Après trois semaines, les autorités mexicaines prennent enfin leur décision: ce sera l’expulsion. Des agents de l’immigration les conduisent en voiture jusqu’à Mexico, où ils doivent être détenus le temps qu’on organise leur vol jusqu’en terre canadienne.
Ils ont ensuite pris place dans un a-vion commercial en direction de Toronto, escortés de deux gardes mexicains.. Une semaine plus tard que ce qui avait été planifié initialement, ils atterrissent enfin à Montréal. Les étudiants ont manqué deux semaines de cours, mais leur session n’est heureusement pas en péril.
Voir le bon côté des choses
«Cette mésaventure m’a appris qu’avant de partir en voyage, il faut s’informer un minimum et être conscient que si l’on ne respecte pas les règles, il peut y avoir des conséquences.», poursuit Fanny. Pour une prochaine escapade, elle compte bien avoir un coussin financier pour faire face aux imprévus. Ce qu’elle retient de tout cela? «Ça m’a appris aussi à me contrôler pour garder le moral; je crois que je suis une personne beaucoup plus positive aujourd’hui.»
Pour Carlos, son principal regret est d’avoir été obligé de retourner au Canada alors qu’il comptait se rendre ensuite au Chili, pour visiter sa parenté et prendre quelques photos, lui qui est photographe.
On se compare, on se console
Être témoin de la misère dans laquelle vit certains Mexicains a beaucoup fait réfléchir Fanny: «Je trouve qu’au Québec, on est vite négatif et on se plaint souvent pour pas grand-chose. Les Mexicains sont hyper positifs, même si parfois, ils n’ont rien».
Carlos, quant à lui, a été marqué de constater à quel point de nombreux habitants de l’Amérique du Sud veulent se rendre aux États-Unis dans l’espoir d’une vie meilleure. «Plusieurs n’y arrivent par car ils n’ont pas les papiers nécessaires, bien qu’ils soient à leur troisième ou quatrième essais. Certains passent leur vie à essayer de se sortir de leur pauvreté et de gagner les États-Unis ou le Canada. Ça m’a attristé de voir ça.»
Fanny et Carlos admettent avoir appris la leçon qui a été riche en émotions. L’on dit que les voyages forment la jeunesse? On ne pourrait pas mieux dire!
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