Pour Roger Munier
21-12-1923 – 10.08.2010
Roger Munier a rejoint cette autre rive dont la mystérieuse proximité au long
des jours n’a cessé de le fasciner. En toutes choses il en déchiffrait les
signes comme les hiéroglyphes d’une langue magnifique et encore indéchiffrée.
La silhouette d’un arbre, l’ombre d’un nuage, le moindre chant le guidaient
dans sa quête inlassable de cette autre dimension du monde, imperceptible aux
sens et partout présente. Il avait appris à la guetter sans impatience, sans
faiblesse, avec la persévérance matoise du chasseur qui connaît tous les
détours et les ruses de sa proie. Il ne se souciait pas tant de la saisir que
de la contempler. Il avait trop de révérence et de pudeur pour espérer
davantage que de s’en tenir à une distance respectueuse. Il n’aimait pas la
familiarité, la facilité, la sentimentalité. Il lui importait seulement de scruter,
analyser, noter, avec l’objectivité et la précision d’un entomologiste. Mieux
valait la sècheresse d’une juste observation que le vague qui ne favorise que
trop l’illusion. Il regardait de plus en plus loin le cortège énigmatique des
lumières et des choses. Avec une tendresse grandissante, à mesure qu’il sentait
grandir en lui la paix. Il savait d’une longue expérience qu’il n’avait rien à redouter
de l’autre côté du monde et qu’il y avait toujours eu, en vérité, sa demeure.
Gérard Pfister