Mon filet mignon fumé et ma bouteille de malvoisie sous le bras, j'ai donc embarqué sur ma toue bien aimée pour plus de trois heures de balade au fil de l'eau, durant lesquelles Françoise Benassis a lu sur la Loire : Balzac, Henry James… Les créatures de l'air semblaient jalouses de nous voir béats sur l'eau. Après le balbuzard, qui a survolé le bateau dès le départ, les chevaliers guignettes, le martin-pêcheur, les vanneaux, les sternes… Tous se sont donné le mot pour attirer nos regards vers le haut. Un moment donné, dans le cadre de mon Lumix, j'avais une montgolfière dans un angle, un petit avion dans l'autre. Derrière, un planeur. Une vraie débauche d'aéronefs !
Notre dérive nous a conduits jusqu'à Veuves, ravisssant village de 240 habitants, planqué derrière la levée. C'est le dernier bourg du Loir-et-Cher avant l'Indre-et-Loire. Craignant les gardes frontaliers (nous naviguions alors de nuit, à la loupiote), je suis descendue là, flanquée de mes deux accompagnateurs, qui m'ont déposée à la gare d'Onzain. On aurait dit des contrebandiers, dépourvus de victuailles toutefois. L'esquif, lui, a remonté le cours du fleuve, direction Chaumont, son port d'attache. Je me suis retrouvée seule sur le quai à 23 heures passées. Le Corail d'Austerlitz est arrivé et a failli m'oublier. Impossible d'ouvrir les portes. Le contrôleur a sifflé. Mon sang n'a fait qu'un tour. Je me suis refait une scène du film d'Hitchcock vu la veille aux Studios. J'ai couru comme une dératée. Je me suis fait un claquage à la cuisse droite. Mais j'ai eu mon train.