Posté par Rémi Begouen le 13 août 2010
(…) « Ce sont ces moments fantastiques où je ne trouve rien à faire. Aucune envie. Aucune idée. Quelques coups de téléphone donnés au hasard de l’agenda. Des répondeurs qui ne répondent pas. Des messages qu’on laisse sans grande conviction – en espérant que personne n’osera vous rappeler, vu le ton morne de votre voix. Des livres que vous reposez sur l’étagère en regrettant de les avoir sortis de leur sommeil. Il y a toujours des livres que l’on veut lire depuis longtemps et qu’on feuillette et qu’on repose en se disant la prochaine fois. Et le stylo et le papier qui sont au loin, hors de portée de la main. Il faudrait une énergie incroyable pour ramper jusqu’à eux. Ce serait mieux de dormir. Mais le sommeil ne vient pas. Il ne manquerait plus que ça. Ce serait trop facile. Ça nous empêcherait de remuer tout ce bordel, là-haut, dans la tête. Alors on contemple le désastre. Le nombre d’images qui se bousculent dans un cerveau, la nuit, on comprend pourquoi le monde tourne si mal. Pourquoi les gens se foutent sur la gueule. Tellement de choses à régler pour soi-même. La nuit, la vie est belle mais c’est le monde qui est foutu. Et ça recommencera demain. J’envie les gens qui savent exister. J’envie les gens qui profitent des secondes. Moi, je vois les minutes défiler à une telle vitesse sur le radio-réveil, que j’ai peur de me réveiller vieux. J’essaye de compter le temps, les yeux fixés sur le changement des chiffres quartz, mais j’ai toujours dix secondes de retard. La mort viendra par surprise, avec plusieurs années d’avance. Apprendre à compter plus vite. Chasser toutes les images. Pas moyen d’être seul. Les souvenirs vivent plus longtemps que nous. Je suis sûr qu’après la mort, ils continuent leur chemin. Peut-être qu’ils vont se loger dans la mémoire d’un autre. Il faudrait pouvoir les sortir un par un et les remercier. Ils nous foutraient peut-être la paix… » (…) R.B.
Malgré les initiales de cette signature, ce texte n’est pas de Rémi Begouen mais de Rémi Boulon. Un jeune homme (il pourrait être mon fils) qui a pris ce pseudonyme avant de connaître mon existence. Puis est venu faire ma connaissance, moins pour l’homonymie de nos initiales que parce qu’à l’époque, je m’essayais à créer une modeste maison d’éditions, maintenant abandonnée. Mais nous sommes devenus amis. Il était à cette époque nazairien, mais vit maintenant à Marseille, où il a fondé sa fantaisiste maison d’éditions ‘Nazéroued’. La fantaisie consiste par exemple, ici, de dater son achevé d’imprimer (qu’il tient à écrire ‘achevé d’imprimée’ !!) du 22 juillet 2016 : six ans d’avance sur sa mémoire épluchée !
Dans six ans ce sera un best-seller, sans doute… mais pour le moment l'œuvre est quasi-indisponible : 100 exemplaires… dont un qu’il m’a confié quelques jours, pendant sa visite à St-Nazaire et que je dois lui rendre bientôt : c’est celui destiné à sa grand-mère ! … Mais c’est avec son autorisation que j’ai reproduit pour Ruminances cette ‘bonne feuille’ parmi d’autres aussi belles, de ce roman ‘déjanté’ comme son sympathique auteur… Vous avez donc six ans à ruminer avant de lire l’intégralité de ‘L’épluche-mémoire’ ! Et, d’ici là, sachez que Rémi Boulon me confie qu’il s’estime être ‘neveu spirituel de René Fallet’, rien de moins !