Les médias sont conscients de la perte de confiance de leur auditoire ; ils s’en inquiètent ; ils s’interrogent. Mais le virage est d’autant plus difficile à prendre que personne ne sait comment le prendre !
Pour le professeur de journalisme Jay Rosen, de l’Université de New York, ce n’est qu’à la fin de 2004 que les directions des journaux ont commencé à prendre conscience que les outils «permettant de diffuser de la nouvelle» — sites Web et désormais blogues— avaient été distribués «à des gens qu’ils appelaient jadis leur audience». Leur réflexion n’est donc que toute récente.
Et pendant que les artisans des journaux réfléchissent, leur part des revenus publicitaires continue de décroître (29 % en 2006, aux États-Unis), tandis que celle d’Internet continue de croître (5 % en 2006).
Version optimiste : le chercheur Jason Gallo, de l’Université Northwestern, y voit une simple question de temps avant que les blogues ne se professionnalisent : «les blogues seront progressivement soumis aux mêmes politiques et contrôles institutionnels (que) les journalistes traditionnels.»
Le cas Wikipedia en est une belle illustration : cette encyclopédie «libre» — ce qui signifie que n’importe qui peut y intervenir — évolue de plus en plus vers une publication à deux niveaux, où n’importe qui peut écrire, mais où un petit groupe d’intervenants dispose d’un pouvoir de «surveillance».
En information scientifique, le meilleur exemple d’une intégration des blogues à «l’ancien monde» est la parution, au début de 2007, d’un livre recensant certains des meilleurs textes de science parus dans la blogosphère anglophone : The Open Laboratory : The Best Writing in Science Blogs 2006 (Coturnix éditeur, 2007, 336 pages). Cinquante textes en tout, choisis en partie par les blogueurs eux-mêmes («Envoyez-moi votre meilleur texte», avait lancé le coordonnateur quelques mois plus tôt).
En octobre 2007, l’Agence Science-Presse publiera un livre qui s’inscrit lui aussi dans cette évolution : Science ! On blogue, en partie basé sur l’expérience de l’Agence dans la création, en 2005, des premiers blogues scientifiques en français — pratiquement les seuls aujourd’hui encore — et en partie composé de textes parus sur Science ! On blogue : des textes bien vulgarisés, accessibles à tous, variés et qui n’ont pas pris une ride, même des mois après leur parution.
Tout de même, quelle distance franchie depuis l’époque pas si lointaine — il y a… deux ans ! — où bien des journalistes ne voyaient dans les blogues que du radotage et de l’étalage d’égo !