Les voies de l’information sont impénétrables. Alors que Kofi Yamgnane avait le 9 août dernier dénoncait dans l’indifférence totale sur France Culture (L’Esprit Public) une situation politique Togolaise explosive allant jusqu’à évoquer un risque de génocide, une crise pire qu’en Côte d’Ivoire, pire qu’au Rwanda, c’est finalement par internet et la diffusion d’une simple vidéo où l’on voit un officier supérieur français menacer verbalement et physiquement un journaliste Togolais que les projecteurs de l’actualité se braquent un temps sur ce petit pays d’Afrique de seulement 6 millions d’habitants.
Togo, capitale Lomé. Régime politique ? Une dictature qui ne dit pas son nom. Officiellement indépendant depuis 1960, le Togo constitue une parfaite illustration de la Françafrique . Les Européens et les Français en particulier considèrent que la démocratie est un luxe qui peut attendre. Les coups d’Etat y sont pratiquement monnaie courante.
Le dernier en date qui se solde par un échec remonte au 25 février 2005. Sous la pression internationale, cette même année, une élection présidentielle est organisée le 24 avril. Une caricature de scrutin, émaillée notamment de fraudes et de vols d’urnes par des militaires. Si la France, très présente, parle alors de conditions de vote “acceptables”, l’annonce des résultats donne lieu à des manifestations dans les principales villes, violemment réprimées par l’armée. On parle de 500 à 800 morts et de 10 000 blessés. 40 000 Togolais environ, se réfugient dans les pays voisins. La position de l’UE est contradictoire. La Commission européenne, malgré un rapport confidentiel accréditant l’existence de fraudes massives de la part du pouvoir, prend acte du résultat alors que le parlement européen vote une résolution de non-reconnaissance. Amnesty International publie en juillet 2005, un rapport dénonçant selon ses propres termes un scrutin entaché d’irrégularités et de graves violences et le rôle ambigu de la France.
2010, rebelote. Nouvelles élections présidentielles avec une particularité, la volonté de Kofi Yamgnane (en photo), ex homme politique français à la double nationalité d’être candidat dans son pays d’origine. Trop gênant, sa candidature est opportunément rejetée par la cour constitutionnelle sur la base d’un doute sur sa date de naissance.
Réduit au rôle de porte-parole de la coalition d’opposition Front républicain pour l’alternance et le changement (FRAC) Kofi Yamgnane est donc bien au fait de ce qui s’est passé.L’ancien élu Breton a décrit au micro de France Culture le déroulement de l’élection présidentielle du 28 février 2010 et fait part de sa déception notamment à l’égard de l’UE qui a dépensé 16 millions d’euros pour une transmission par satellite des résultats et n’est pas allée au bout de son engagement financier en exigeant des élections propres.
Alors qu’une mission conduite par un eurodéputé espagnol a relevé un nombre d’irrégularités, l’UE a cautionné les derniers résultats en dépit d’une fraude massive. “Je m’attendais à de la fraude mais pas à la réaction européenne“. L’ancien secrétaire d’Etat de la France constate dépité que l’UE et la France préfèrent “la stabilité dans la dictature à ce qu’ils appellent la guerre civile“. Il suffisait pourtant que l’UE (et la France) ne reconnaisse pas le résultat pour rebattre les cartes indique Kofi Yamgnane qui aussiôt prévient : “ça ne peut pas tenir“, “la guerre civile au Togo elle va venir, ça sera même pire ce sera un génocide“. Une allusion directe au problème de la captation du pouvoir par une ethnie minoritaire, les Kabyés.
Si le dérapage de l’officier Français est aujourd’hui clos, contraint par le ministère de la défense à présenté ses excuses au journaliste togolais Didier Ledoux en revanche, la situation politique explosive, la menace de génocide demeure. Et l’on ne pourra pas dire que l’on ne savait pas.
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