George Frederick Watts (1817-1904), Emdymion*** Les plus belles choses du monde: les soies du marcassin, les marrons luisants dans leurs bogue crevée, les braises ardentes, les livres de Tchouang-tseu, de Montaigne, de Kenkô, de Musil, les sources des ruisseaux, les yeux des chevaux, l'aube. Mais rien ne peut rivaliser en beauté avec les deux corps de la femme et de l'homme face à face qui soudain découvrent à leur plus grande surprise qu'ils s'aiment déjà alors qu'ils ne se connaissent ni d'Eve ni d'Adam et qu'ils ignorent jusqu'à leur nom. C'est un incroyable silence sur leurs traits. Une suée lumineuse les revêt, une immobilité les attache, leurs regards les insèrent dans une proximité qui est sans rivale. Une matière luisante les recouvre par laquelle ils commencent à irradier comme des astres nocturnes.
Pascal Quignard, La vie secrète