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Que n’ai-je vécu pour cet instant
Grâce rendue aux miracles d’un temps
Lové entre les bras du silence
*
Ma bouche tue
Muette ma langue
Sous le joug des jours tyranniques
*
Mes mains brassent l’air dense
Pèsent à mes épaules fatiguées
L’espoir encore de se relever
*
Juste avant que la chute ne vienne
Ma mémoire chante
Boit aux sons du silence
Les souvenirs émus
*
Mes doigts s’agitent encore
C’est un ultime sursaut
*
Ô, beauté qui attend sur le seuil d'un amour qui jamais ne se dit.
Les mots s'envolent en ailes multicolores, resplendissent dans l'azur d'un jour sans soupir.
Tant de patience martelée aux tambours du cœur…
*
Alors je marche et marche encore
Pour ne point faillir ou défaillir
Sous le poids des peines amoncelées
*
Tourne et tourne le manège
Je te vois
Je nous vois
Je vous distingue à peine
Vous qui croisèrent un instant
Mon chemin de hasard et d’opprobre
*
Partout ne serai qu’un étranger
*
Partout traînerai mes sabots d’infortune
*
Folle déchirure laissée par le vide
Et le cœur qui saigne à n'en plus finir
A n'en plus pouvoir
Dans l'incessante rencontre des ombres
*
Me voilà pris aux filets
L’hameçon pénètre en ma langue
Désormais éteinte
*
Ne me reste que le pâle souvenir
De ces folles étreintes
Etoiles pour seul témoin
*
Que reste-t-il de nous autres
Sur le seuil d’âge désormais tourné vers la tombe
*
C’est un juste retournement
Il nous faut assumer de n’avoir pas su
Pas pu
Pas vécu
Ce pourquoi nous étions faits
*
La nostalgie nous berce entre ses bras d'espoir
Nous ne sommes jamais arrivés
Toujours en partance
Chaque jour passe
Nous laisse pantois
De n'avoir su saisir
Le suc de l'instant
*
Alors dans la nuit
Courant en tous sens
Sous des frondaisons d’indifférence
Me reste le cri
Acharnés mes doigts griffent le sol
*
Déraciner le mal qui nous obsède
Eradiquer les démons qui nous habitent
Boire à lèvres ardentes encore
Un soupçon d’amour indicible
Plonger en tes eaux fraîches
Ô ma source d’espérance
*
Je reviens
Hagard
D’un voyage au-delà de moi-même
Une clarté blanche me porte
Bien au-dessus de qui je fus
Mon regard embrasse l’horizon des chagrins
Je ne suis plus rien d’autre
Que ce petit tas de chair étriquée
De ce côté-ci du monde
*
Ma douleur se décline
A l’unisson de toutes les douleurs
En mon âme errent les infinis supplices
Je n’ai que larmes
Ô ma source d’eau pure
A jeter en tes ondes
*
Leur sel se dilue peu à peu
Dans la clarté d’une aube légère
Je reviens en ces rives d’abstinence
Mon ascèse dure
Il me faut affronter les voix qui me hantent
Chaque heure de chaque nuit
Chaque seconde de chaque jour
*
Que sont nos peines
Au cadran des hontes bues
Des couleuvres avalées
*
Nos peines sont si peu de chose devant le spectacle ardent et la liste des sacrifiés.
Elles s'imposent, en fruit d'un labeur peu à peu vidé de sa substance cicatrisante.
Nous avançons.
La brume nous harcelle qui précède l'orage.
L'instant est si fragile qui nous permettrait de cueillir, entre deux doigts agiles, une fleur délicate de bonheur évanescent.
*
Las d’attendre
Je me jetterai entre deux bras nus
Vaine tentative d’oubli
Quand
Dehors
Hurlent à la mort
Les rapaces
.
Manosque, 30 juin 2010
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