Pourquoi faut-il jeter la classification traditionnelle ?

Publié le 11 août 2010 par Svtcolin

Nous avons vu dans l’article précédent quelques caractéristiques de la méthode de classification moderne ou cladistique. Et si les classifications changent, au grand damne de tous les systématiciens vétérans, il y a de multiples raisons à cela qu’il convient de présenter avant de jeter à la poubelle nos vieux traités (c’est une image, n’est faites rien de grâce !).
L’anthropocentrisme et le finalisme
 Les anciennes classifications utilisent des groupes privatifs tels que « invertébrés », « agnathes » etc. Or ces groupes n’ont pas de valeur phylogénétique, ils ne permettent pas d’établir des rapprochements, mais juste de souligner l’absence d’attributs présents chez d’autres groupes. Ainsi les vertébrés n’ont pas les vertèbres que l’homme a, les agnathes n’ont pas la mâchoire que l’homme a. En ce sens la classification traditionnelle hérite du défaut d’anthropocentrisme et de finalisme de « l’échelle des êtres » de Leibnitz (1646-1715) qui voyait dans la nature un ordre et une gradation linéaire des espèces des lichens aux mousses, des poissons aux reptiles, des Hommes aux anges…[L'échelle des êtres ou Scala Naturae: se succèdent dans l'ordre: les éléments les minéraux, les végétaux, les animaux, l'Homme, et dans certaines version les anges...]
L’essentialisme

L’essentialisme est l’idée que l’essence précède l’existence, autrement dit que l’espèce existe naturellement et presque indépendamment des individus, ainsi toute variation intraspécifique (à l’intérieur de l’espèce) est gommée et chaque espèce peut-être représenter par un spécimen type qui sert de référence:  l’holotype conservé au muséum. Cette idée culmine a l’époque de Linné, qui établit le nom de genre et d’espèces et réalise une classification des plus ambitieuse « systema naturae », ou le mâle colvert est une espèce différente de la femelle (Quel homme de terrain !). Pour qu’une classification soit naturelle, il convient de la réaliser sans idée préconçue.
Considérations écologiques et « saut adaptatif »
Les premières classifications (Théophraste, environ -300 av JC) sont avant tout utilitaires, telle plante possède telle vertu médicinale, tel poisson se mange, etc. Par la suite des notions d’écologie ont été ajoutées notamment le milieu de vie, ainsi malgré les nombreux indices indiquant le rapprochement entre les crocodiles et les oiseaux et ce dès le XIXème, le grade des reptiles a été conservé sous prétexte que le vol constitue chez les oiseaux un saut adaptatif suffisant pour lui donner une classe à part. Or les crocodiles sont bien plus proches des oiseaux qu’ils ne le sont des lézards ou des tortues.[La classification traditionnelle en bulle accorde un grade séparé aux oiseaux en raison de caractéristiques écologiques.]
Groupes usuels rendu caduques par la méthode cladistiqu

De la même façon, le groupe des poissons a une existence légitime d’un point vue de culinaire mais ne correspond à rien d’un point de vue évolutif (si ce n’est  à des crâniates sans pattes). Il en va de même pour de nombreux autres groupes classiques et connu du grand public n’ont aucune cohérence d’un point de vue phylogénétique :
En voici quelques-uns chez les végétaux : les algues, les bryophytes (mousses), les ptéridophytes (fougères). Et chez les animaux : les invertébrés, les poissons, les reptiles…[Le groupe paraphylétique des reptiles, et la classification phylogénétique correcte: lépidosauriens / archosaures]
Au final la classification traditionnelle dite éclectique porte en elle tout l’héritage des anciennes classifications et donc leurs défauts. Et si le changement s’avère certes radical il est cependant nécessaire car pour la première fois la classification est méthodique transparente et conforme aux principes de l’évolution.