Bonjour Liliba
Bonjour à celles et ceux qui aiment l'odeur des oranges
Bonjour aux zotres
Les 5 quartiers de l'orange (L5QO) a été sélectionné par Liliba dans le cadre du prix Qd9 2010 et j'étais très impatiente de lire pour au moins 3 raisons.
1 - J'avais vu et aimé au cinéma la très belle adaptation avec Juliette Binoche et Johnny Deep du livre Chocolat et cela m'avait donné une furieuse envie de découvrir ce livre et l'univers de Joanne Harris empreint de sensualité et de gourmandise.
2 - L5QO se déroule en pleine seconde guerre mondiale et, tout comme Chocolat, le non conformisme au féminin, la nourriture et les odeurs y jouent un grand rôle.
3 - Ce livre était recommandé par Liliba.
Je m'attendais vraiment à l'aimer mais la rencontre n'a pas eu lieu du tout et plus j'avançais dans ma lecture, plus je soupirais d'agacement en tournant les pages.
Le sujet
A 65 ans, Framboise Simon revient dans son village natal sans que les habitants reconnaissent en elle la fille de Mirabelle Dartigen qui, pendant la seconde guerre mondiale, fut tenue pour responsable de l'exécution de 10 villageois (et pas 11 comme indiqué sur le 4e de couv). Comme seul héritage, Framboise ne possède qu'une solide ressemblance avec cette mère si longtemps crainte voire haïe et le carnet recettes de cette dernière dans lequel, au fil des jours, elle va chercher la part de vérité manquante pour reconstituer le drame qui a hanté son enfance et fait basculer sa vie.
Mon avis
Commençons par les points positifs. J'ai aimé tout le début du roman. Joanne Harris sait installer un climat et tisser les bases d'une histoire en distillant un à un les indices de manière à attiser la curiosité et la dépendance de ces lecteurs/trices. Elle sait aussi, et surtout, merveilleusement bien parler de cuisine et loin d'être superflues ou artificiellement collées dans le texte, toutes les pages consacrées aux recettes, à la nourriture, aux odeurs, à la cueillette des fruits et à leur transformation sont, à mon avis, de très loin les meilleures et l'on y retrouve couchées sur le papier, les sensations et le message qui m'avaient tant plues dans Chocolat : préparer à manger et partager un repas sont des actes d'amour.
Le livre me semblait donc on ne peut plus appétissant et bien servi par une plume qui, sans être exeptionnellement remarquable paraissait agréable. Hélas, hélas, hélas, la sauce ne prend pas longtemps et devient vite indigeste pour diverses raisons.
Tout d'abord parce que c'est d'une loooooooooongueur vite insupportable. L'auteure se perd dans des détails descriptifs et c'est vite assomants. Par exemple. sur des pages et des pages interminables et sans intérêt (car on parvient pas à visualiser) on a droit au récit par le menu de la récupération de quelques pièces dans un porte monnaie planqué dans l'eau ou de la confection puis de la dissimulation d'un petit sachet. En outre, ce dernier passage est proche du n'importe quoi côté crédibilité.
Et là, j'en arrive directement à un autre énoooooorme problème du roman : il enchaîne les invraisemblances, les anecdotes à dormir debout, les détails qui sonnent faux. Je n'en citerai là encore que 2 : qu'en pleine guerre dans un village aux bords de la Loire, une fillette de 9 ans sauvage et coupée de tout réponde "si" quand son grand frère lui balance "t'as jamais entendu parler des camps de la mort peut-être ?" comme si c'était évident qu'ils aient effectivement entendu parlé de ça malgré leur profil et leur âge alors que bon nombre d'adultes en ville ignoraient leur existence ! Et puis cet entêtement ridicule à choisir aux personnages de cette familles des prénoms abracadabrantesques de fruits sur 4 générations et cela en parfaite contradiction avec l'idée même des difficultés à ressentir un lien familial et affectif développée par l'auteure tout au long du roman, suffirait à lui seul à faire perdre toute crédibilité au récit. Sans compter l'hypothèse de départ du retour de Framboise dans son village dont on ne comprend jamais ce qui sous-tend ce présupposé capillotracté.
Ensuite, le personnage de Framboise est exaspérant. Joanne Harris partage avec Catherine Cusset la faculté (sans doute pas si évidente à réaliser en fait) de faire de son personnage principal quelqu'un de peu voire pas du tout sympathique. Mais là où Cusset parvient dans certains de ces livres (pas tous) à nous attacher malgré tout au récit de ses héroïnes par la qualité de sa plume, par l'authenticité de sa violence si particulière, par la profondeur de ses analyses, par la richesse de ses digressions, Harris ne parvient pas à faire de cet interminable roman autre chose qu'une lente autojustification mesquine et dénouée de remords que j'ai souvent trouvée dérangeante.
Mais surtout, dans le fond, on s'en fout de ses souvenirs et très vite, la manière dont l'auteure fait traîner les choses nous met un peu dans la situation de Robert et Raymonde Bidochon invités chez un couple revenant de voyage pour une soirée diapo dont ils se passeraient bien ou rappelle quand quelqu'un nous raconte au téléphone une réception où on n'était pas et où on ne connaissait quasiment personne en ne nous épargnant rien de la nappe, du menu, des sujets de conversation, des études du fils du cousin du neveu du plombier de concierge de la maîtresse de maison. On a hâte que ça finisse, on voudrait que ça aille plus vite, on a envie de crier "je m'en fooooooous, abrèèèèèèèèège".
Loin de corser le bouillon, l'histoire parallèle des neveux et du snack bar allonge encore la soupe d'une louche de n'importe quoi dont on n'avait franchement pas besoin. Je déteste la bassesse ambiante qui soustend toutes ces scènes et la méchanceté fondamentale, la mesquinerie de chacun des personnages impliqués. Seul le gendarme me semble humain dans cette histoire. Quant à la conclusion du livre : au secours...
Mon avis étant très tranché négativement, je vous suggère d'en lire d'autres pour vous faire votre avis. Je signale un lien vers la critique positive de Lily qui fournit 2 extraits assez représentatif du style et qui donne une idée de la manière dont l'auteure élude constamment certaines précisions quand ça l'arrange. Ainsi ne saura-t-on finalement rien de la maladie de la mère, de son origine et de son évolution, rien non plus de ce qui est arrivé à Reine-Claude une fois adulte. Au final, et malgré des invraisemblances là encore, seul le personnage complexe d'un jeune soldat allemand prénommé Tomas m'a vraiment intéressée.
Conclusions
Je n'ai pas encore trouvé le 3e roman étranger pour lequel je voterai dans le cadre du prix Qd9 et même si je ne suis pas parvenue pour le moment à achever Tout est illuminé de Johnattan Foer Safran, je lui reconnais des qualités autrement supérieures à cette salade d'orange indigeste.