Jacques
Estager est un poète qui, dans les années 70-80, a publié une dizaine
d’ouvrages chez différents éditeurs dont Oswald et P.O.L.
Je ne suis plus l’absente (Éd. Lanskine), est le livre d’une
renaissance, d’émouvantes retrouvailles avec une voix singulière de la poésie.
L’écriture y procède par litanies, leitmotivs, variations. Litanie de l’ombre
qui « renferme l’hier des temps », litanie du temps « d’âme
sereine » : « Je devrai battre la campagne (il faudra que je
batte la campagne) (il s’agira de battre la campagne ; que je… »
Après avoir enterré le collier « fait avec les dents du malheur »,
Jacques Estager se demande : « Qu’est-ce qu’il te reste encore de
chez toi ? Chaque pierre, et sur chacune je veux m’asseoir maintenant, le
soir ». Prendre le temps d’aimer. « Elle met / ses mains sur les
ronces / dehors les maisons, jaunes, / font un trou, l’été dans le vent… J’ai
quitté ma silhouette pour nos silhouettes. » Pouvoir constater de nouveau qu’
« il est les jours qui se suivent et ils suivent la lumière. »
Le poète invente une langue, une syntaxe : « alors immobiles après
les heures heureuses d’autour du premier jour pendant toujours tout le jour
autour de la première nuit ». Sa langue poétique ne se veut pas convenue,
ordinaire. « De l’autre côté des maisons un chien… un loup
peut-être. » Pas un simple chien, un loup. Pas un langage domestiqué, un
langage sauvage, libre, qui ouvre une fenêtre, plusieurs fenêtres, qui n’est plus l’absente. « Je suis
transparent sinon je ne suis pas. »
Et le poète d’une nouvelle présence au monde signe J’ le dernier vers de son recueil, annulant ainsi la fin du
livre, l’ouvrant à d’autres Verbes possibles, à tous les autres poèmes.
Par Chantal Dupuy-Dunier
Jacques Estager
Je ne suis plus l’absente
Éditions Lanskine
46 pages, 10 €