Le verbe et l’adhésion

Certains seraient tentés de considérer la chose comme anecdotique ou même comme une bévue chez un fatigué en manque de vacances et soumis à une vie trépidante et sans répit. C’est faire peu de cas de l’intelligence, de la résistance physique et du « self-contrôle » de ces hommes arrivés au sommet de l’Etat et chargés de la responsabilité de l’exécutif.
On connaissait le fameux karcher et le « casse-toi p’ôve con », la « mise en examen du coupable » pas très clear… Nous avons maintenant le « présumé coupable ».
En qualifiant ainsi  Lies Hebbadj, le ministre de l’Intérieur Brice Hortefeux exprime son “opinion personnelle”,  précise-t-il lors d’une conférence de presse sur la sécurité en Seine-Saint-Denis. « Personnelle » certes, mais il persiste et signe, ne retranchant rien de son assertion initiale et ce faisant la renforçant. Il remet même une louche : lorsqu’une personne “est mise en examen non pas une fois mais deux fois pour des faits graves, on peut se poser la question” de sa culpabilité, estime le Ministre.
OUI ! Le Ministre ! Pas un quidam de la blogosphère, un “pseudo-journaleux” … !

C’est bien là que réside le « bug ». Quand on est Ministre de la République, qui plus est, chargé de l’intérieur, des forces de police et de gendarmerie, on se doit à une particulière vigilance, une discipline en la matière. L’exemple vient « d’en haut » ; il sera difficile dans ces conditions de laxisme verbal d’exiger le discernement des différentes forces de sécurité. Le présumé coupable risque bien de devenir rapidement la norme pour beaucoup de boutefeux, toujours prêts à en découdre. C’est dangereux.

Point de polémique particulière et ad-nominem, -l’Auvergnat n’est pas en cause- essayons d’aller plus loin.

Les responsables politiques et de l’exécutif ne sont pas des imbéciles ni des naïfs ; ils savent parfaitement ce qu’ils font et disent. Ainsi ce que certains veulent considérer comme des dérapages « malheureux » à porter au compte du surmenage sont dans l’erreur la plus profonde. La démarche est volontaire, construite et recherchée. Elle est frappée au coin de l’analyse fine d’un état de l’opinion et de l’exacerbation d’une partie grandissante de notre peuple en face des conflits communautaires et des questions sécuritaires.

Restons d’une grande prudence et essayons de ne pas franchir la limite, parfois ténue, qui sépare la réalité de la théorie de Godwin : Rocard et d’autres ont illico gagné leur point du même nom . Il est en revanche historique que certaines techniques de communication très “primaires” connurent dans des passés peu glorieux un succès, certes éphémère, mais redoutable pour ne pas dire terrifiant.
Revenant au film sécuritaire du mois d’aout, il y a eu le résultat contesté du sondageIFOP pour le Figaro. Ces contestations résistent assez mal à la contre-épreuve du CSA pour l’Humanité sur les mêmes sujets : sans être semblables, les chiffres expriment la même tendance. Il y a aussi le renforcement des adhésions à l’UMP après les annonces grenobloises. Le secrétaire national de l’UMP aux fédérations et aux nouveaux adhérents, DamienMeslot, assure que le parti de la majorité a gagné plus de 15.000 adhérents entre le 23 juillet et le 9 août, une hausse qu’il attribue au soutien «au discours sécuritaire» de Nicolas Sarkozy. Il pourrait s’agir d’une « intox » ; je ne le pense pas.
Nous connaîtrons toujours des coupables et des innocents ; il y aura toujours un devoir impérieux pour l’exécutif d’essayer de protéger les honnêtes et les faibles et d’empêcher de nuire les brigands, de faire respecter la Loi.
Cette Loi reconnaît la présomption d’innocence. Toute autre attitude s’apparente à la plus basse des propagandes et doit être fermement condamnée. Cette volonté d’exacerbation des tensions verbales est un mauvais coup porté au pays et à terme tactiquement inutile, inopérante. En revanche, l’action, même « musclée », sur le terrain est à encourager sans réticences et quel qu’en soit le prix. Action ferme, dans le respect de nos lois, sans fanfaronnades inutiles et reprises médiatiques intempestives, mais avec des résultats perceptibles. Jamais le discours ne remplacera les résultats; répétitif sans eux, il devient même contre-productif. Seul, il est dangereux … et/ou préparatoire.