Si le plat ainsi présenté paraît d'une simplicité biblique, il a tout de même fallu deux semaines pour y aboutir, avec beaucoup de changements de trajectoires pour les raisons que je vais vous narrer maintenant.
Dans ce périple culinaire, il y a eu deux constantes : les cigales de mer et le riesling. J'avais acheté un sachet des premières en surgelé au mois de juin (voir ICI la recette) avec déjà dans l'idée de les servir à mon anniversaire. J'avais acheté le second à la même période dans un but similaire. L'affaire était entendue.
J'avais au départ l'idée un peu folle de servir mes cigales sur un lit de sable à la citronnelle (sorte de crumble fin à base de farine, de beurre et d'un peu de sucre). Pour éviter que ce soit trop sec, j'y rajoutait la mer qui monte, d'un joli bleu, et puis de l'écume. Les deux parfumés aux agrumes.
Pour la couleur de la mer, je pensais utiliser la peau de pomme de terre vitelotte. Sauf que je n'ai jamais trouvé de vitelotte que ce soit sur le marché ou les grandes surfaces du coin. J'aurais pu tomber dans la facilité du Curaçao, mais l'aromatique ne me convenait pas. Et je ne voulais pas de colorants artificiels.
J'ai définitivement abandonné le projet lorsque j'ai ouvert le riesling 5 jours avant pour le goûter. C'était risqué, mais je voulais vraiment savoir à quoi il ressemblait pour affiner mon plat. Et le faire à la dernière minute - surtout un dimanche - me paraissait risqué.
J'ai été un peu inquiet à l'ouverture, car le bouchon, entièrement imbibé, s'est retiré avec une facilité hallucinante. Je m'en suis servi un fond de verre. J'ai senti, goûté. Ouf, ça allait. L'aromatique était sur l'écorce d'orange confite, la thérébentine et les herbes médicinales. Bref, exit le sable à la citronnelle, ma mer qui n'était plus bleu. Pouf, ouf, on efface tout et on recommence.
J'ai commencé à tester une sauce avec un peu de pâte de curry verte, de la sauce soja au yuzu, de la marmelade de clémentine, de la coriandre. On était assez proche de ce que je voulais, si ce n'est que le curry arrachait vraiment trop la g..., l'acidité générale un peu too much. Y avait encore du boulot...
A un moment, j'ai envisagé d'utiliser des taglioline à l'orange (voir ci-dessus) dont il me restait une bonne moitié de sachet. Je les aurais agrémentées d'un peu de marmelade de clémentine, de bouillon des carapaces et de coriandre fraîche. Ca aurait pu être pas mal. Mais je voulais avoir un repas relativement léger. Vu qu'il y avait déjà des pommes de terre dans les deux plats suivants, et du foie gras, je me suis dit que les pâtes, c'était peut-être le truc en trop. Exit donc les pâtes !
Et puis, il m'est revenu une autre recette où je mélangeais mangue, crustacé et coriandre. Et c'était vraiment bon, léger, et irait certainement très bien avec le riesling (il y a à mon sens un pont entre la "thérébentine" du vin et celle de la mangue). Je suis donc parti là dessus.
Le bouillon
J'ai utilisé les carapaces des cigales pour faire un bouillon. Après les avoir fait revenir 5mn dans un peu d'huile d'olive, j'ai couvert le tout d'eau et laissé mijoter 30m à couvert. Puis j'ai filtré, assaisonné et ajouté une grosse poignée de coriandre fraîche, 1 noix de beurre Et zou, au mixer !
La mangue
La mangue a été simplement épluchée et émincée et j'ai découpé des petits disques avec un bouchon métallique d'huile d'olive. J'ai réservé les chutes que j'ai passé au mixer avec un peu de marmelade de clémentine, de jus de yuzu et de zeste de kumbawa. J'en ai déposé une belle cuillerée au centre du cercle formé par les disques de mangue (voir-ci dessous).
Les cigales
Dans une grande poêle, j'ai versé une belle cuill à soupe de sirop d'agave, une belle cuill à soupe de sauce soja au yuzu, 15 g de beurre, et un peu de zeste de kumbawa. Puis j'ai laissé réduire jusqu'à ce que ce soit bien sirupeux. J'ai alors ajouté mes cigales et les ai faites cuire en les tournant régulièrement. Deux minutes suffisent. Il faut éviter à tout prix la sur-cuisson !
Le service
Il n'y a plus qu'à disposer les cigales dans les assiettes. Servir puis arroser ensuite avec le bouillon. Ca me semble être la bonne méthode, parce que c'est plus joli sans le bouillon. Sans parler des traces laissées par celui-ci sur les rebords de l'assiette durant le transport...
L'accord était vraiment magistral. Le plus beau de la journée, selon moi. Il y avait une prolongation entre le vin et le plat assez étourdissante lorsqu'on passait de l'un à l'autre. Le Riesling était d'une jeunesse et insolente malgré ses 20 ans et sa droiture tranchait avec la tendreté du crustacé et le soyeux de la mangue. Néanmoins, son gras épousait le tout avec bonheur. Un grand moment de gastronomie !
PS : j'ai la drôle d'idée d'habiter une rue où les maisons n'ont pas de numéro. Du coup, la société sensée me déposer le livre tout frais tout chaud n'a même pas fait le voyage jusqu'à chez moi, décrétant que l'adresse était incomplète.
Mon co-auteur, lui, l'a reçu sans souci sur son lieu de travail, et ne s'est pas retenu pour m'appeler et s'extasier sur la beauté de l'ouvrage, enfonçant encore plus le poignard dans la plaie.
Comme je m'absente deux jours de Bergerac, je vais devoir patienter jusqu'à vendredi... Horrible. Vraiment trop' injuste...
Eric, Calimero of the day
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