La phase du non

Publié le 10 août 2010 par Dodo44

Elle était angélique à en faire verdir d’envie les plus saintes-nitouches. Elle concoctait des plats à en faire saliver d’appétit les plus fines bouches. Elle gardait son intérieur d’une telle propreté que la saleté songeait à se faire cloîtrer. Disons qu’à l’occasion, on la méprenait pour un paillasson.

Jusqu’au jour où elle en eut vraiment, mais vraiment, raz-le-pompon. C’est alors qu’elle considéra une nouvelle option. Une nouvelle réponse aux mêmes questions. En l’occurrence… Le mot non!

Ô mais quoi? Halte là! De quel droit nous refuse-t-elle son temps, son énergie, son argent? Son écoute, sa sueur, son sang?

Que s’est-il passé pour que cette bonne-à-tout-donner s’oppose ainsi à notre volonté? Serait-ce le résultat d’une maléfique domination? Serait-elle la victime d’une horrible conspiration? Ou pire encore… L’aurait-on kidnappée et remplacée par ce que vous savez?

Calmons-nous, mes amis! La cause de cette révolution n’est pas d’origine extraterrestre. Notre bénie-oui-oui avait simplement atteint la limite exceptionnelle de sa marge de crédit émotionnelle.

Pendant que les brièvement livrés-à-eux-mêmes obtenaient consolation auprès de modèles de compassion, elle remarqua un étrange rayon percer l’épaisse enveloppe de son cocon. Qu’était-ce donc?

Vous avez raison, mes amis. C’est le mot non. Qu’elle se dit à elle-même, naturellement, plutôt qu’à tout venant. Le gros méchant non qui lui avait si souvent servi d’enclos pour mâter ses désirs-trop. Trop beaux. Trop fous. Trop merveilleux. Trop… tout! Et les garder au petit-trot. Alors qu’elle aurait tant voulu les chevaucher au grand-galop!

Réjouissons-nous! Un soleil radieux illuminait sa destinée. À ses chaînes imaginaires, elle apprit à dire adieu. Devant ses mignons tortionnaires, elle accepta d’assumer l’odieux. Fini le calvaire, merci ô mon Dieu!

Ravigotée par sa témérité, elle osait désormais se dire oui, à elle plutôt qu’à autrui. Bien sûr, elle comprit que les non ne reviendraient plus autant dans sa direction. Ils lui serviraient de moments de réflexion. D’espaces de liberté. Pour bien sentir sa véritable motivation. Sans la distraction de ses ex-nourrissons.

L’amour de soi venait de sonner les matines à ses vaillantes tétines. Il cautérisa toute source d’alimentation à ses insatiables gorgottons. Et redirigea ces affamés de prédigéré supermâché vers d’autres supermarchés de bien-intentionnés. Chacun sa croix. Chacun son choix.

Le cœur tatoué de oui, elle entendit l’appel ragaillardi de sa fantaisie.

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