Au coeur de l'été, voici deux disparitions qui attristeront le lecteur d'égéa : celle de Bruno Cremer et celle de Tony Judt.
Bruno Cremer, tout d'abord.
Je n'ai jamais vraiment regardé les Maigret : Cremer, pour moi, c'est la 317° section, ce film hiératique sur la guerre et le commandement. Au moment de Dien Bien Phu, une section chemine à travers les lignes ennemies. Et on y vois deux figures splendides :celle du sous-lieutenant Torrens (Jacques Perrin), frais émoulu de Saint-Cyr, découvrant sa section et voulant tout donner pour être "à la hauteur", et aidé par un sous officier adjoint d'expérience, l'adjudant Willsdorf : Bruno Cremer, donc.
N'importe quel jeune officier, à la veille de prendre le commandement de sa section, a forcément à l'esprit les relations entre ce jeune et l'ancien, cette rencontre entre la fougue héorïque et l'expérience intime de la guerre. Ce duo expose les deux facettes d'une réalité, celle du commandement, qui ne se justifie que par l'expérience particulière de la guerre. Et comme le dit Willsdorf à Torrens :
Je vais vous dire une chose, mon lieutenant : quand on fait la guerre, il y a une chose dont il faut être sûr : l'objectif à atteindre justifie les pertes. Sans ça, on peut pas commander.
Cremer a peut-être été dépassé par son rôle. La justesse de sa composition lui permet d'atteindre une vérité qui le dépasse mais qu'il a servie. Rien que pour cette performance là, je suis empli d'une sorte de tristesse illuminée, qui correspond, finalement, au ressort profond de l'homme. Requiescat in pace.
réf : ici et ici
Tony Judt, ensuite.
C'est l'auteur du remarquable "Après-guerre" que j'ai déjà signalé sur égéa. Mais au-delà ces réflexions sur l'identité européenne, il y a aussi un intellectuel au départ sionsite et qui en est revenu (voir ici) dénonçant la volonté ethnique de l'Etat d'Israel. Surtout, il souffrait de la maladie de Charcot dont il donna un témoignage émouvant de dignité. Si sa mort signe la fin de ses souffrances, rendons hommage à l'intellectuel nuancé et exigeant. RIP.
Réf : ici
O. Kempf