Quand l’Union Européenne utilisera la réponse D

Publié le 10 août 2010 par H16

Si les politiciens français ont cette habituelle manie de trouver dans les taxations vexatoires, les impôts et la diarrhée législative une réponse ultime à tous les problèmes du peuple qui couine sous leur joug, il ne faut pas croire que cette spécialité se limite à la France. En réalité, la compulsion qui consiste à vouloir créer des impôts nouveaux, impôts rigolos s’étend bien au-delà du Royaume Tranquille de la Bisounoursie Festive…

Et sur le continent européen, le patron des états, c’est l’Union Européenne.

Oh, certes, il ne s’agit pas d’un patron bien violent : sans armes et toujours lointain, caché derrière des strates administratives confuses et des traités illisibles, il avance à tous petits pas, ne montre que très rarement ses crocs et comme ceux-ci sont limés, il ne fait pas bien peur. En pratique, aucun état n’a réellement eu à souffrir de terribles sanctions que l’Europe aurait pu lui faire subir.

Mieux : l’Europe joue en ce domaine plus le rôle d’une bonne maman gâteau, toujours prête à excuser ses petits des rapines et exactions qu’ils peuvent bien commettre, comme l’atteste à loisir la gestion pour le moins dépassionnée de la crise grecque ; même après les bidouillages insensés et grossiers pour cacher les trous abyssaux dans ses finances, la Grèce aura bénéficié d’une largesse assez invraisemblable en ce 9 mai 2010 : l’Europe aura préféré renoncer à ses quelques principes de gouvernance économique plutôt que se séparer d’un pays qui l’entraîne pourtant tous les jours un peu plus près de l’abîme.

Alternativement au rôle de patron ou de maman-gâteau, l’Union Européenne joue plus souvent qu’à son tour le rôle de souteneur des états: il touche l’argent que ceux-ci ramassent en allant tapiner auprès de l’électeur. En échange de quoi, l’Union bénéficie de son éloignement technocratique et peut se faire charger de tous les maux par les fourbes tapineuses, qui pourront toujours dire, lorsque la grogne monte de la rue : « C’est pas nous, c’est Bruxelles« .

Malheureusement, ce fragile équilibre est mis à rude épreuve alors que la crise commence à toucher chaque état. Certains commencent en effet à prendre des mesures d’austérité : la taille des petits-fours stato-distribués aurait, dit-on, légèrement diminué en France, et certains journalistes vont jusqu’à faire des enquêtes minutieuses sur les dépenses de certains ministres – enquêtes et minutie dont ils s’étaient pourtant départis depuis au moins vingt ans, éléments d’ailleurs revendus en bon état (très peu servis) pour cause d’encombrement intellectuel moyennant une somme considérable de subventions et de petits avantages.

Et de petites coupes en restrictions budgétaires, voici donc notre Union Européenne bien en peine pour boucler son budget ! Pour rappel, l’Union ne le trouve pas sous le sabot d’un cheval et profite donc des largesses des états pour effectuer ses dépenses. (Je préfère le préciser, les socialistes de droite et de gauche estimant que l’argent peut se créer ex nihilo par l’emprunt, la planche à billet ou la ponction unilatérale des riches pour distribution à ceux des pauvres de leurs paroisses qu’ils chouchoutent pré-électoralement.)

En gros, l’Union gratouille un peu d’argent sur les droits de douane (pas tout à fait 12% du budget), un peu plus de 11% sur la TVA, et le reste (76%), sur un prélèvement dans les caisses des états en fonction de leur revenu national brut. Et comme on peut l’imaginer, le revenu a tendance à baisser, les états veulent couper certaines dépenses et ne surtout pas en augmenter d’autres et … patatras, c’est la cascade : l’Union doit trouver une autre source de financement pour assurer la croissance « harmonieuse » de ses institutions et assurer ainsi une production continue de textes législatifs sous pression gigapascal à côté de laquelle le kärcher de Sarkozy n’est qu’un petit pipi de Manneken-pis.

Et pour ça, l’inventivité des politiciens est toujours surprenante !

Petit quizz : vous êtes politiciens, vous avez besoin d’argent pour agrandir votre piscine, arroser deux lobbys et prétendre créer dix mille emplois dans un secteur moribond. Que faites-vous ?

  • réponse A : je puise dans mes réserves d’épargne, intelligemment constituées pendant les périodes fastes.
  • réponse B : je lance un piscinothon lobbython emploithon et fais appel au dons de généreux contribuables.
  • réponse C : je vends des portes-clefs sur internet
  • réponse D : je crée un nouvel impôt

Mieux : vous êtes toujours politicien, on vous apprend que vos ressources vont diminuer suite à une crise carabinée qui touche tout le monde mais surtout les pauvres et ceux qui ne sont pas politiciens. Que faites-vous ?

  • réponse A : j’achète le caviar en format familial. C’est plus économique.
  • réponse B : je diminue le salaire du personnel de maison, et je refais la salle de bain (avec une jolie baignoire sabot, c’est chic) avec les économies réalisées.
  • réponse C : j’écris une pétition de protestation virulente que mes amis socialistes de droite et de gauche s’empresseront de signer.
  • réponse D : je crée un nouvel impôt.

Et enfin : il n’y a plus un rond nulle part. C’est la dèche, les gens commencent à montrer les crocs, on entend des bruits d’affûts et de lames, mal recouverts des gargouillements de ventres vides. Vous êtes politicien. Que faites-vous ?

  • réponse A : je mets plus fort la sono des garden-parties.
  • réponse B : je fais un stock de brioche.
  • réponse C : j’écris une loi interdisant les affûts, les lames et les gargouillements de ventre.
  • réponse D : je crée un nouvel impôt.

Comme on s’en doutera, la réponse D est une réponse type « Feux de Croisement », i.e. recommandée en tous lieux et en tous temps, voire obligatoire dans certains pays. Bien évidemment, le politicien habile panachera les réponses en fonction de sa sensibilité.

Et pour l’Union Européenne, c’est pareil ! On manque de thunes ? Pif, paf, réponse D !

Pour le moment, on comprend que la proposition du Commissaire Lewandovsky suscite un enthousiasme modéré de la part des chefs d’états qui sentent qu’annoncer la nouvelle à leur cheptel ne va probablement pas améliorer leurs affaires. Mais ne nous y trompons pas : chacun de ces chefs d’état et de gouvernement continue aussi le calcul, commencé bien avant même Lisbonne, la Constitution ou Nice, qui consiste à donner tous les jours un peu plus de pouvoirs à l’Union, permettant ainsi d’éloigner efficacement ces enquiquinants moutontribuables des ponctionneurs, sans diminuer en rien la ponction, au contraire !

Grâce à l’utilisation habile de la démocratie, on a donné au peuple le pouvoir incommensurable de s’embourber dans des lois et des règlements de plus en plus complexes, en utilisant la majorité molle et indécise pour écrabouiller tendrement les minorités devenues risibles.

La route vers un méta-état européen continue donc tranquillement : bientôt capable de lever son propre impôt, il ne lui faudra plus qu’une armée, solide et indépendante des gémissements populaires. On peut parier que tous les gluants sociaux-démocrates de droite et de gauche applaudiront le projet, et ce d’autant plus fort qu’ils seront haut dans le nouvel édifice administratif.

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